Le voyage sentimental : Lieux décrits par les artistes "amateurs
Dans l’histoire occidentale plus récente, on se demande souvent quelle est la signification du voyage dans l’univers de la culture et de l’art, mêlant thèmes antiques et modernes, entre mémoire et réalité présente. Le voyage, quelle que soit sa destination, réelle (comme Rome, Naples, la Sicile, la Grèce) ou imaginaire (comme Shangri-la, Lilliput, Aleph, Pallas), a été I l’instrument d’exploration esthétique pour la recherche de l’authentique et de l’inviolé, en opposition à l’image défigurée de la terre.
On peut affirmer que les voyageurs sont tous des sentimentaux, y compris Goethe, malgré sa pièce contre la sensibilité [1787, trad. fr. 19881, contre la mode du jardin anglais. Il s’agit surtout des voyageurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle plutôt que de ceux, plus descriptifs, de la première moitié du même siècle. La disposition sentimentale était une qualité typique du voyageur, son soutien intérieur, et favorisait la recherche de l’autre et de Tailleurs. C’était une qualité correspondant aussi bien à la figure du connaisseur que du dilettante. Ce dernier, ne supportant pas les conventions, encourageait la liberté mais aussi l’arbitraire, avec les dommages, les avantages et les risques
que l’on peut imaginer. Le dilettante vivait, comme un voyageur romantique, sous le signe du Witz, d’un génie original et débridé, parcouru d’accès d’inspiration spasmodiques causés par le contraste malheureux entre l’enthousiasme de la créativité et la désespérante misère humaine. Suivant les diverses poétiques romantiques, c’est une figure perçue plus ou moins favorablement, de Goethe et Moritz à Wac ken roder, de Schiller à Schlegel et Jean-Paul. Le climat de la culture esthétique européenne en est imprégné. Londres dans ces années-là abritait une célèbre Society of Dilettani.
Amateurs passionnés, les voyageurs donc traduisent la réalité dans le sentiment que l’on en a, tantôt sous une forme exagérée, tantôt dans un juste équilibre avec la raison. Important dans la formation de la mentalité du gentilhomme, élu rirtuoso, suivant l’opinion de Francis Bacon (OJ Trarel, 1625), le voyage s’est peu à peu transformé en un itinéraire esthétique et spirituel d’où fleurit un riche bouquet, de notations romantiques puis symbolistes.