La contemplation du paysage : Le mythe de la sauvagerie
Le mythe de la sauvagerie, opposé au goût artificiel, géométrique, des jardins, revient à plusieurs reprises. Les amants de la nature, philosophes, poètes, hommes inspirés par les Muses, l’étudient et l’admirent avec enthousiasme dans le but d’en extraire le ,1’enie intime. Ils font preuve d’une bienveillance exaltée qui les conduit à unir le bon au bien et se livrent à une extase pleine de raison. L’amour pour la nature est un enthousiasme positif, une passion pour l’ait créée par les forêts, par la campagne, par l’eau, par le ciel, etc. Une profonde émotion et un sentiment de participation. Comme le précise Shaftesbury, le beau, la proportion, la convenance ne sont jamais dans la matière mais dans l’art et dans le schème, dans la forme et dans l’énergie préfiguratrice. Dans la nature, c’est l’esprit qui forme la beauté, c’est le genius loci qui produit l’enchantement des combinaisons plastiques de lignes et de couleurs. La matière est formée par l’esprit que nous percevons et dont nous saisissons par anticipation, quand il apparaît dans l’ordre supérieur qui est le sien, les éléments internes : la figure, la couleur, le mouvement. Nous entrons dans le “divin” immanent au paysage.
La nature, pour Shaftesbury, est belle quand elle a l’apparence de l’art et l’art, à son tour, va être considéré comme beau quand nous l’observons comme s’il était la nature. C’est une question très débattue durant des siècles, car elle pose, à côté de l’esprit des lieux et en adhésion avec lui, le thème de Yingenium et le renversement des positions de l’art et de la nature, l’un par rapport à l’autre. Mais nous avons vu comment Ovide avait déjà mis l’accent sur la question dans les Métamorphoses. Ainsi l’homme reconnaît à la nature le statut de l’art qui apparaît comme le fruit du génie du lieu, de son “habileté” interne, capable de créer des choses merveilleuses.