Le modelage et le sculpteur
Il ne s’agit pas ici de créer un répertoire des moyens, mais de rappeler quelques aspects génériques des arts plastiques, aspects qui doivent conduire à une démarche personnelle, soit en structurant son analyse esthétique, soit même en recherchant un automatisme du geste. Par ailleurs, chaque terre ou préparation possède des caractéristiques qui influent sur le langage formel: certaines masses acceptent toutes les déformations et d’autres se rebellent, certaines sont inertes alors que d’autres donnent du plaisir. De simples constatations matérielles, comme le temps disponible avant une dessiccation rendant impossible la poursuite du travail ou la facilité d’effectuer certaines manipulations, amènent à privilégier certaines méthodes opérationnelles: l’état plastique d’une terre favorise la déformation alors que plus raffermie, à l’état dit du « cuir », elle n’accepte plus que la taille à l’outil.
Le volume et l’espace
Tout volume est la résultante d’un travail dans l’espace. Deux notions fondamentales s’opposent à chaque instant pour le sculpteur: le creusement, ou enlèvement de matière (comme la taille directe pour les praticiens), et le modelage par ajout de matière (boulette, colombin, plaque). Si cet antagonisme peut paraître sibyllin, chacun s’aperçoit vite qu’il conditionne fortement l’allure de l’œuvre, et que la gestion des vides ou des pleins exige une approche différente de l’espace. Le céramiste introduit une troisième dimension, extrêmement subtile parce que difficile à dominer, permettant peu l’erreur, qui est la déformation de la pâte, à la batte ou par pression des doigts.
Le travail des masses
Partir d’une masse est un exercice difficile qui demande habileté et expérience, en commençant par le choix d’une terre plastique et chamottée. Le modelage par déformation lente et mesurée est la technique originelle pour façonner des bols. Le pincement entre les doigts ou l’usage de la batte sur une « enclume » est un exercice que dominent à la perfection les potières d’Afrique, rompues à ce lent et précis laminage de la pâte. Le principal écueil à surmonter est d’obtenir des parois régulières et de jauger la dessiccation de la terre pour arrêter le travail avant de la fatiguer, sous peine de voir apparaître des fentes et des fissures indésirables. La masse peut aussi être traitée avec plus de violence pour conserver les traces d’un façonnage dynamique.
Boulettes et colombins
La boulette est le procédé idéal pour des esquisses rapides. Les sculpteurs et les modeleurs académiques l’exploitent avec sensibilité pour étudier les variantes possibles d’une œuvre, jouant de ses juxtapositions apparentes, se gardant de lisser la terre pour laisser vivre la matière. Le colombin, simple mais efficace, bien connu pour ses qualités pédagogiques, est toujours aussi utile pour monter de grandes formes. Tous les céramistes le pratiquent et il complète souvent d’autres procédés, comme le tournage. Il est décrit dans une multitudes d’ouvrages spécialisées.
La croûte
Le travail à la croûte exige une terre très plastique, ne se coupant pas et ne gerçant pas lors des manipulations. La croûte, préparée au rouleau ou au laminoir, s’estampe traditionnellement dans des moules en plâtre, ce qui suppose de tirer plusieurs exemplaires pour amortir les frais de moule. Une nouvelle liberté est atteinte avec la préparation de formes souples telles que des sacs ou sachets facilement déformables contenant du sable ou de la vermiculite, ou encore de monticules de papier roulé recouverts d’un tissu: la croûte s’y déforme naturellement par son poids, épousant creux et bosses, mais doit être retirée avant un retrait trop important qui provoquerait des déchirures. Le céramiste Wayne Fischer (p.63) trouve une dimension spectaculaire en accentuant les déformations issues de l’inertie de la masse de terre lors d’une chute, donnant à celle-ci une fonction créative: il laisse tomber un ensemble moule/croûte/plateau de soutien d’une hauteur de quelques décimètres; il prépare ainsi plusieurs formes différentes qu’il assemble ensuite par pincement et collage, y ajoutant des parties tournées ou modelées.
L’assemblage à la plaque
La plaque privilégie la surface, même si elle crée, par déformation ou assemblage, un volume. Les contraintes de liaison, bien que simples, sont à respecter rigoureusement: il est préférable de fixer deux pièces encore vertes en les « serrant » et en les renforçant par un cordon, plutôt que de tenter un collage à la barbotine. Le secret est de n’assembler que des parties dans le même état d’humidité.
Le moulage
L’usage d’un moule permet de préparer des modules de base qui seront ensuite retravaillés manuellement. Le plâtre est le matériau idéal, facile à mettre en œuvre. Sa porosité permet à la terre de sécher régulièrement. L’estampage en moule d’une croûte est la solution la plus courante mais il est parfois utile de talquer le moule pour favoriser le démoulage. Le coulage, peu favorable aux pâtes chamottées, n’est presque pas utilisé.
Le tournage
Il n’entre pas dans le cadre de cet ouvrage d’étudier le tournage, technique nécessitant un long apprentissage. Si les petites pièces posent peu de problèmes, les grandes sont difficiles à élaborer et il est souvent nécessaire de faire des assemblages de plusieurs parties tournées séparément, ou de monter au colombin, repris par tournage comme le pratique Gisèle Buthod-Garçon.
Le montage au colombin est souvent préférable au tournage d’une masse, qui crée de plus fortes contraintes dans la pâte; par ailleurs, les formes évasées sont plus sensibles au fêle que celles dont le col est refermé.