En espagne le nu provoque l'inquisition
La Maja desnuda et la Maja vestida, peintes en 1800 par Goya, ont fait l’objet d’un double scandale. Le premier concerne le modèle, et l’auteur n’en est pas responsable, le second le sujet, la nudité proscrite en Espagne.
Une tenace légende a fait de la duchesse d’Albe le modèle de ces deux tableaux. Cette excentrique personne, qu’on disait « évaporée », aimait faire tourner les têtes, et celle du peintre n’y résista pas. Une grande part des « Caprices » est inspirée par l’obsession de la femme dévorante et castratrice, par l’extravagance et les lubies de cette belle veuve dont Goya était, malgré son rang et le peu de cas qu’elle faisait de lui, fort épris. De superbes portraits en témoignent.
Si les Majas ne représentent pas la duchesse d’Albe, mais une femme plus jeune à la chair ferme et lisse dans la fraîcheur de ses vingt ans, fort probablement la maîtresse du tout-puissant Godoy, Prince de la Paix, une certaine Pépita Tudô, il reste que le nu était un défi, et que le scandale se cristallisa sur ce corps juvénile à l’alanguissement lascif.
Godoy était suffisamment sûr de lui, de son impunité, pour oser montrer dans son palais à la barbe du roi, le faible charles IV, et surtout de la reine, une nymphomane dont il était l’amant, ce nu provocant qui défiait les interdits de l’Inquisition. Peu auparavant elle avait fait brûler les nus des collections royales, et si le roi n’avait pas accepté qu’on jette .ni feu les Danaé et les Vénus du Titien de son palais, elles avaient été reléguées hors de la vue du public.
Le Prince de la Paix avait eu l’audace d’exposer le nu de sa maîtresse aux côtés de celui, non moins aguichant, et tout aussi splendide, de La Vénus au miroir de Vélasquez qu’il avait acquis après la mort de la duchesse d’Albe. Grâce à cette protection Goya évita le scandale et passa outre les foudres île l’inquisition. Peu après l’exécution de la Maja desnuda, reçut la commande de La Famille de Charles IVoù, autour du couple chamarré de décorations et de rubans de dégénérés royaux, s’échelonnent princes, princesses et infants, ceux-ci particulièrement gracieux.
Lors de la chute de Godoy en 1808 l’inquisition séquestra les deux Majas qualifiées de « peintures obscènes » et déommées « Gitanes ». Dix ans plus tard le Tribunal somma Goya, abandonné par ses protecteurs, de donner le nom du commanditaire des nus prohibés, mais les événements politiques ôtèrent tout intérêt à cette curiosité pour le moins suspecte car ce nom était connu de tous.
De scandale avorté la Maja desnuda devint ce qu’elle était 26. vraiment, un chef-d’œuvre de musée. Au Prado.