La chemise
La chemise est à l’origine du costume occidental. Initialement portée par toutes les catégories sociales, son côté fonctionnel en fera, pendant longtemps, le vêtement favori des hommes, que les femmes adopteront sous la forme du chemisier.
L’évolution de la chemise
□ Jusqu à la fin du Moyen Âge, les chemises masculines ou féminines se caractérisaient par une coupe à angle droit, en forme de T. La chemise est alors considérée comme un vêtement de dessous car portée à même la peau.
□ C est au xve siècle que la chemise subit sa plus importante transformation, avec l ‘ instauration du col. Elle commence à représenter le prestige social et devient un vêtement masculin. Jusqu’au XVIII siècle, elle est réalisée en dentelle et richement ornée. On invente même les plastrons amovibles et les demi-manches à poignets fixées a mi-hauteur des bras avec des petits boutons, ce qui évite de se changer entièrement.
□ La chemise masculine du XIXe est plus longue derrière d’environ 6 cm mais surtout, on ne la montre plus. Seuls les poignets et le faux-col peuvent dépasser du costume. Elle possédé alors des pans arrondis et se boutonne jusqu’à la poitrine
□ Le XXe siècle gagne en confort. Mais surtout, la chemise habille désormais les femmes, pour lesquelles elle revêt une fonction équivalente à celle des hommes même si, pour la féminiser, on emploie les termes de corsage, blouse ou chemisier. L) autres révolutions suivent : le port de la chemise hors du pantalon, les chemises JMoIron portees après le séchage sans repassage, et la chemise boutonnée de haut en bas.
Les blancs contre les bleus
Le col est l’élément déterminant dans le choix d’une chemise. Il existe un col pour c aque style L expression « cols blancs » remonte au XIXe siècle, quand les employés de banque devaient être vêtus d’une chemise immaculée. À l’inverse les «cols bleus » désignent les travailleurs manuels. Symbole de l’homme d’affaires la chemise blanche est toutefois jugée trop salissante et est réservée au soir Elle est remplacee peu à peu par le bleu, à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Argenton-sur-creuse : la cité de la chemise
■ Un pôle économique et géographique
Argenton est une petite ville bercée par la Creuse, dans le département de l’Indre. Son histoire rencontra la chemise en 1860, avec Charles Brillaud, qui crée le premier atelier mécanique de lingerie. Situé en bordure du fleuve, l’atelier se développe rapidement. Les grands magasins deviennent vite clients (Le Bon Marché, le Printemps, la Samaritaine). La présence de voies de communication routières et ferroviaires faci – lite la distribution. La petite histoire ajoute que la Creuse aurait eu des vertus bénéfiques sur l’amidonnage des cols et des poignets.
■ L’âge d’or
En vingt ans, Argenton-sur-Creuse devient un centre industriel en plein essor grâce à la chemise masculine. Au début de xxe siècle, 4 000 ouvrières travaillent en ville et dans les localités avoisinantes car très tôt, les ateliers font appel au travail à domicile des femmes qui apposent la boutonnière et le bouton. À cette époque, dans cette région, avoir une ou plusieurs filles constitue un atout économique pour un ménage !
Chaque élément d’une chemise est déjà étudié pour en accélérer le rendement tout en baissant les coûts de production. Il est ainsi mis au point une machine par opération. On évalue à 3 000 le nombre de machines à coudre avant la Grande Guerre à Argenton. De nombreux réparateurs s’installent sur place pour entretenir, réparer voire inventer des machines. Ils fabriquent des machines spéciales, la plus connue étant une machine à faire des plis, inventée par le fabriquant Braun.
■ L’entre-deux-guerres : une période de déclin
La Première Guerre mondiale n’altére pas la production, orientée alors vers la chemise militaire. Toutefois, l’arrivée de la machine spéciale à faire les boutonnières met au chômage les ouvrières à domicile. C’est durant la Seconde Guerre mondiale qu’Argenton voit s’amorcer une période de déclin, que ni les nouveaux tissus ni les modes ne parviendront à enrayer. De nos jours, malgré des usines performantes, la chemiserie locale n’emploie plus que 700 personnes.
■ De l’industrie à la culture
En 1980, Solange et Jean-René Grave- reaux, issus d’une lignée d’industriels d’Argenton, ont lancé le projet d’un musée de la Chemiserie locale.
Ce musée, inauguré en 1993, a pour mission de faire revivre la mémoire industrielle du berceau de la chemiserie française.
Il est installé dans l’usine du père fondateur Charles Brillaud. Il se veut également une vitrine pour les stylistes, un outil de formation pour les jeunes créateurs et il projette d’accueillir de nombreux colloques consacrés à l’industrie de l’habillement.