La contemplation du paysage : Épiphanies de la vue
écrit le: 31 janvier 2014 par admin
La grâce et le beau idéal montrent, dans un enchantement des formes, la merveille de la bylé, la splendeur de la matière. C’est la stupeur que nous rencontrons dans les œuvres de Poussin et du Lorrain. Mais nous pouvons trouver un autre mol pour décrire cette douce révélation : c’est l’Arcadie, émanation du paysage spirituel. Devenu à l’époque moderne un mythe littéraire et artistique, il est le pays de l’amour, de la poésie, du monde découvert par Virgile sous l’influence des récits de Polybe et des idylles de Théocrite. Ainsi est née l’image de la tranquille Arcadie, de ses bergers, du chant de Pan inventeur de la flûte, de Polyphénie, Amphion et Zétlios. Sur ces bases littéraires, Virgile invente l’Arcadie comme nous la percevons aujourd’hui : irréelle, rêveuse, mythique, où les hommes et les dieux, fait inusité pour les Grecs, se retrouvent ensemble. Virgile fait fusionner le monde de Théocrite, peuplé de bergers siciliens, avec le monde mythique grec. Il réélabore la structure et les figures de la poésie bucolique, dont la lamentation de Daphnis, en créant l image de bergers amoureux et heureux. L’ironie de Théocrite se traduit dans un véritable pathos. Dans l’œuvre de Virgile, les bergers apparaissent comme des hommes raffinés qui se distinguent par leur grâce et leur délicatesse : en somme, se sont des sentimentaux même si on ne peut les définir comme des romantiques. C’est une Arcadie imaginaire où l’on exalte la vie champêtre embellie par le bon goût, sans âpreté, sans conflits, sans angoisses, loin de la dure vie rustique. Tableau de l’âge d’or, c’est une terre de nostalgie. Virgile y recherche l.i perfection formelle, la beauté et l’harmonie. En ce sens , l’Arcadie est le lien d’une vie quotidienne idéalise, un idéal placé sous le signe de la poésie, une évasion de la vie, un refuge dans le monde sentimental cl clans celui de l’âme en contact avec les Muses. Y circulent les images du rêve et de l’abandon amoureux.
Comme le dit B. Snell, Virgile, et les Romains avec lui, ont traduit et transformé le monde mythique grec «mi allégories et en symboles. L’Arcadie de Virgile est le pays de l’esprit et de la poésie.
Ce n’est pas seulement un pays qui se tient au milieu, entre le mythe et la réalité, mais il représente aussi un lieu de transition entre des époques différentes, il est d’une espèce surnaturelle, le pays de l’âme qui aspire à sa lointaine patrie [19451.
Nous retrouvons ce même idéal surnaturel au tours du temps, qui réapparaît de façon cyclique à n avers l’histoire de notre civilisation, mais surtout au XVIII siècle, entre peinture et littérature. L’Arcadie est perçue comme grâce du lieu, apaisement des passions, aura paradisiaque. L’Arcadie, au XVIIIe siècle, ce sera l’Italie, en particulier Rome, triomphe de l’antique,d’a. Mengs à Winckelmann, de J. Soane aux frères Adams, de J. Reynolds à A. Kauffmann. Ht même l’académie de l’Arcadie, cénacle d’intellectuels et d’artistes des Lumières, fut, dans la première moitié de ce ict le, l’expression d’une attention au paysage qui lu xivait ses principes dans le goût du connaisseur et dans le dessin antibaroque. En même temps, elle se ici connaissait dans une catégorie esthétique qui unissait a la grâce l’élément pastoral et le sublime. Nous
en trouvons des précédents toujours chez Virgile lui- même. On pense à certains détournements du locus amoenus, comme lorsque, sur le mont Ménale, couvert de bois murmurants et de pins « loquaces ”, prend place la scène tragique de Damon, premier chanteur de la VIIIe églogue. Il chante, amant désespéré, aux premières lueurs du matin, appuyé sur un bâton d’olivier. Avec ses montagnes et ses précipices, l’Arcadie est comme un arrière-plan sauvage au désespoir du poète Gallus (Xe églogue) qui, au pied d’un escarpement solitaire, au milieu des roches glacées, élève sa plainte amoureuse.