La contemplation du paysage : L'art du paysage comme objet esthétique
Contempler l’art est autre chose que faire de l’art. Je peux produire dans mon esprit des images de paysage suivant des modèles que m’offre la civilisation occidentale ou, indépendamment de ces modèles, admirer la beauté de leurs formes. Le paysage tout comme le jardin préparent des représentations naturelles pour mon esprit. L’art du paysage est en un sens déjà fait, même s’il est en transformation. Il suit les lois des modifications physiques du territoire mais aussi celles de l’intuition et de l’invention de l’homme (exploitations, aménagement, etc.).
Le paysage se présente, à notre perception et à notre imagination, comme un objet esthétique ; il apparaît comme une immense sculpture ou architecture du cosmos, expression visuelle sans limites de lignes et de contours, danse incessante ou rythme de formes, interminable langage poétique des signes ou spectacle merveilleux, sans prologue ni épilogue. I.e paysage s’impose à la conscience et au sentiment dans toute sa valeur esthétique, en proposant délibérément l’objet naturel contemplé comme lieu idéal pour faire ou pour imaginer. La critique du paysage comme pur et simple objet naturel trouve sa justification, selon Assunto [1963], dans la production de I homme : production destinée à donner à l’organisation des lieux une configuration esthétique précise en respectant les idéaux tic la culture et de la société, ou nu nu productions tournées vers l’expression de la sensibilité et de l’imagination.
Les lieux vivent dans nos représentations à travers le plaisir de la contemplation. Nous avons évoqué Goethe qui, dans La ‘théorie des couleurs, considère que la contemplation appartient à une façon tout à fait sensible de théoriser. Simmel [1912-1913, trad. fr. 1988], plus d’un siècle après, reconnaîtra, comme nous l’avons souligné, que le paysage est la nature révélée esthétiquement, “forme spirituelle”, registre de la tonalité psychique qui procède du monde des émotions et de celui des arts, du monde de la réception comme de celui de l’intuition et du faire. C’est une façon de voir et de sentir qui nous place dans une position d’anticipation par rapport à ce qui se passe dans la peinture et dans la poésie. En ce sens, la nature comme connexion infinie des choses, naissance et destruction ininterrompues des formes, se montre esthétiquement dans le paysage, et avant les développements de l’art qui vont être produits par l’homme. C’est à travers cette sorte de révélation que nous transformons précisément en objets esthétiques ceux qui étaient d’abord de pures et simples choses naturelles.