L'art du paysage : L'admiration et la valorisation du jardin anglais
L’admiration et la valorisation du jardin anglais chez Baltrusaïtis montrent le jardin comme la continuation d’un désir d’étonnement qui, bien que présent dans l’Antiquité, s’est manifesté surtout à la Renaisance jusqu’au baroque et au rococo. Le paysage est alors une image du monde dans un dessein de totalité, d’éternité, une beauté empreinte d’une émotion nostalgique et mélancolique, sentiments qui sont à n’en pas douter liés au goût du pittoresque, entre le
sublime et la grâce. L’illusion ici est comprise comme un microcosme placé sous le signe d’une philosophie de la terre, d’une pensée de notre origine affective naturelle, à la lumière d’une humanité pleine d’espoir.
Avec toutes ses étrangetés (du pavillon oriental a la cabane rustique, de la pyramide à la grotte), le jardin anglais (Rousham, Claremont, Esher, Carlton House, Chiswick, Stowe, etc.) est, dans son exotisme et sa sauvagerie confondus, un “cabinet de merveille”, fable et rêve de l’humanité. Expérience extraordinaire de l’imagination et des sens qui, comme Baltrusaïtis l’a souligné en 1962, est pour l’œil une source d’authentiques satisfactions. Rappelons-nous le coffre de Johann Zahn dont les miroirs intérieurs faisaient jouer entre elles différentes images de la nature. Le jardin, ici, apparaît comme une architecture fantastique, une vision magique et onirique.
Pour montrer l’intrication de toutes ces idées et leur portée, nous nous contenterons ici de trois exemples : Y Hymne à la nature de Shaftesbury [17091 où il est question de l’art qui se révèle dans toutes les œuvres de la nature, scène secrète pour des merveilles ; l’hymne à l’esprit de la terre, dans la scène “Forêts et cavernes” (composée entre 1788 et 1790), que l’on trouve dans le Faust de Goethe, s’écriant : “Je vois se découvrir les merveilles cachées dans mon propre sein ; le Prélude de Wordsworth, où le poète parle de “paix et tumulte, lumière et obscurité, caractères de la grande apocalypse”.