Les investigations de la théorie de la Forme
Les investigations de la théorie de la Forme (ou Gestalttheorie)
Les perceptions de tout spectateur sont des sensations psychologiquement sélectionnées. Selon quels paramètres s’opère cette sélection? Le terme de Gestalt est utilisé pour désigner « une forme dotée d’une forte structure ». La théorie de la Gestalt (ou théorie de la Forme) qui s’est développée en Allemagne, avant la première guerre mondiale, fournit les moyens de comprendre comment le spectateur perçoit (W. Kôhler, Psychologie de la forme, 1929). Mais, on ne voit que ce qu’on connaît. Ainsi, la reconnaissance des formes d’un objet représenté sur une image se fonde sur une mise en rapport de la perception de cette image avec tout un répertoire de percepts anciens mémorisés.
La théorie de la Forme s’est intéressée à la lecture des formes, à leur compréhension, liée aux lois d’organisation, et au phénomène d’image-fond dans lequel le fond est réprimé et la forme privilégiée (Pierre Guillaume, La Psychologie de la Forme, 1937). Il faut interpréter cette relation comme étant dynamique, comme appartenant à « un système continu de mouvements et de transformations énergétiques » (Fernande Saint-Martin, La Théorie de la Gestalt et l’art visuel, 1990). Est vu, par exemple, comme forme ce qui apparaît en clair par rapport à ce qui est sombre, ce qui possède un contour net par rapport à ce qui est flou, ce qui est géométrique par rapport à ce qui est vague. On n’a pas manqué de souligner que la prégnance de la bonne forme peut être interprétée comme étant un reliquat d’un besoin ancestral de sécurité.
Les enfants et les premières sociétés humaines privilégient les bonnes formes, c’est-à-dire ce qui est organisé selon les principes de simplicité, régularité, symétrie, et répétition rythmique. Ces formes sont sans relation imitative avec les formes qu’on trouve dans la nature. Wilhelm Worringer évoque notre « instinct primordial qui tend vers l’abstraction pure comme la seule possibilité de repos au sein de la confusion et de l’obscurité du monde imagé » 0Abstraction et Einfülhung, 1911). Il nous rappelle que l’abstraction précéda la figuration dans l’histoire de l’humanité et que les formes naturalistes sont venues se greffer sur ces bonnes formes.
Le discours traditionnel de l’histoire de l’art ne serait que le récit des conditions d’acceptation des bonnes formes et de refus des mauvaises formes, ou encore le récit d’une « boniformisation », selon le terme inauguré par Fernande Saint-Martin. Ce même auteur rapporte que Rembrandt était considéré au début du XIXe siècle comme un artiste grossier et indigne d’intérêt parce que la matière de ses peintures était rugueuse et que les formes « étaient insuffisamment lisibles ».
La reconnaissance d’une forme naturelle ou produite par l’homme repose sur des propriétés fondamentales du système nerveux. Pour Rudolph Arnheim, « les opérations cognitives désignées sous le vocable « pensée », loin d’être l’apanage de processus mentaux intervenant à un niveau bien au-dessous et au-delà de la perception, constituent les ingrédients fondamentaux de la perception elle-même ». Et, « il semble maintenant que les mêmes mécanismes opèrent à la fois au niveau perceptuel et au niveau intellectuel, si bien que les termes comme concept, jugement, logique, abstraction, conclusion, calcul, ont été appliqués à propos des sens… La perception achève, au niveau sensoriel, ce qui dans le domaine du raisonnement est connu comme compréhension… » (La Pensée visuelle, 1969).
Arnheim considère les unités formelles structurantes qui s’adressent directement à la perception : équilibre, développement, espace, lumière, couleur, mouvement, expression (Art and visual perception, 1954).
On est en droit de se demander si les contraintes que nous impose la bonne forme ne tendent pas à restreindre le déploiement de représentations spatiales plus complexes qui répondraient davantage aux particularités de l’action pragmatique. Ce qui entraîne la réaction de Bataille qui restitue au champ des pratiques et des savoirs l’investigation de l’informe. Il faut bien reconnaître ici que les historiens de l’art, en dehors de Ernst Hans Gombrich, ont fait trop peu appel aux travaux « gestaltiens ».
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