Les styles : Les styles récurrents
Les styles récurrents
Les styles spécifient les qualités esthétiques ou formelles servant à définir le aractère des œuvres d’art. Ceux-ci peuvent servir de repère transhistorique à oes mouvements artistiques dans lesquels on retrouve ces qualités.
L’ archaïsme
L archaïsme désigne l’état d’un art encore à ses débuts et qui date d’une époque reculée dans le passé. L’art archaïque constitue pour Henri Focillon le premier état de l’évolution de l’art, se distinguant par certaines lois stylistiques (telle que a ‘rontalité par exemple).
Est jugé comme étant un archaïsme, tout élément d’une œuvre qui rappelle un style antérieur. À ce titre, les préraphaélites, en s’inspirant des œuvres ol Quattrocento, ont été traités d’archaïques.
Le primitivisme et les arts premiers
On a tendance à sous-estimer ce que l’on ne connaît pas. Aussi les sociétés occidentales ont-elles eu tendance à mépriser les productions de sociétés qualifiées alors de « primitives ». Leur art est parfois qualifié de tribal. Pour les tenants du progrès en art, le stade primitif est à l’origine des autres, d’où aussi l’usage de l’expression « arts premiers ».
Le terme de primitif est appliqué pour spécifier ce qui est travaillé de manière simple ou naïve, en dehors de toute doctrine qui prévaut, d’application de lois de perspective, de structure narrative, ou de relations colorées sophistiquées. Ainsi sont appelés primitifs à la fois le Douanier Rousseau, les expressionnistes allemands et les artistes du folklore.
Concernant, les arts africains, amérindiens et océaniens, le grand collectionneur Jacques Kerchache préfère les appeler « premiers ». C’est en effet ce terme qui est le plus approprié pour les distinguer des œuvres dites « primitives » qui nous permettront de questionner la nature de l’art : celles des anthropoïdes, des enfants, des naïfs, celles qui rendent compte du goût populaire et des formes de l’imaginaire humain, celles enfin des arts bruts.
Le terme de « primitif » est encore utilisé aujourd’hui pour qualifier l’art des précurseurs de l’art classique européen, par exemple les peintres italiens de la période précédant la Renaissance, ou les productions des peintres flamands du XVe siècle tels que Jan Van Eyck et Rogier Van der Weyden.
Le classicisme
Il convient de distinguer classique et classicisme. N’est pas classique ce qui relève du classicisme. Le terme de « classique » a plusieurs significations. Le plus souvent, il désigne un ouvrage de littérature que tout le monde connaît sans même l’avoir lu. Ceci pour dire que le terme de classique n’est pas seulement utilisé pour l’art et l’architecture mais qu’il exprime l’idée d’une continuité trouvant sa source dans les traditions, les idées et les produits des Anciens. Le terme de classique indique en effet une référence à l’art de la Grèce ancienne aux Ve et IVe siècles av. J.-C., et de la Rome du r siècle, définissant ainsi des critères de qualité que les générations suivantes auront à apprendre par le moyen le plus souvent des académies.
Le terme était souvent employé en opposition au baroque ou au romantisme. Le classicisme désigne pour Wolfflin la Renaissance italienne : « Le concept fondamental sur lequel repose l’art de la Renaissance italienne est celui de la proportion parfaite. Chaque forme tend à constituer une réalité fermée et libre en articulation, mieux encore : chaque partie respire de façon indépendante. […] L’esprit, en éprouvant le sentiment de bien-être infini, voit dans cet art l’image d’une réalité plus haute, plus libre, mais à laquelle il lui est donné de participer » (L’Art classique, 1989).
Le maniérisme
Quand il est écrit avec une majuscule, ce terme désigne l’art de la période s’étendant d’environ 1520 à 1600. On peut interpréter ce style comme étant alors la continuation logique du Classicisme ou bien comme étant une réaction contre celui-ci. Une œuvre maniériste sera anti-naturaliste, les figures seront allongées, les couleurs étranges, la composition complexe, avec un amour pour les perspectives forcées, les sujets bizarres et fantastiques.
Avec une minuscule, le maniérisme signifie le maniéré et se réfère aux exagérations délibérées. Il désigne alors ce qui est habile ou ce qui est réalisé sans que l’on comprenne véritablement ce que l’on fait. Les Italiens utilisent le mot maniera pour exprimer le manque de style, le mot signifiant alors le goût pour la stylisation, le superficiel, les apparences, aux dépens de la profondeur des significations.
Le caravagisme
Le caravagisme désigne le type de peinture que les disciples et imitateurs de Caravage (1571-1610) ont diffusé à travers l’Europe et qui se caractérise par un répertoire particulier de formules tendant vers un naturalisme exacerbé par des effets de violents clair-obscurs, et des thèmes iconographiques triviaux : joueurs de cartes, scènes de taverne, diseuses de bonne aventure, musiciens.
Le baroque
Ce terme est utilisé à partir du xix’ siècle dans un sens péjoratif pour désigner une période couvrant le xvn’ et le xvm’ siècles en Italie, aussi bien qu’en Espagne, Allemagne et Autriche. Le terme est cependant plus souvent utilisé pour désigner un style qui s’est d’abord développé en réaction aux contorsions du maniérisme. Mais, le baroque, par exemple avec le Caravage, a aussi promu un retour au classicisme de la haute Renaissance. Il marque de toute façon un goût pour les raccourcis spatiaux, l’aménagement des espaces au sein des cités (places, jardins), les effets de lumière et d’ombre, un sens profond du théâtre, impliquant toujours le spectateur dans des réalisations où tous les domaines artistiques participent au spectacle sous le contrôle de l’artiste (Le Bernin, Rubens).
Wôlfflin définit le baroque en opposition avec le style classique : « Le baroque utilise le même système de formes, mais, au lieu du parfait et de l’achevé, il recherche le mouvement, le changement; au lieu de ce qui est limité et saisissable, il recherche l’illimité et le colossal. L’idéal de la beauté des proportions s’évanouit, l’intérêt ne réside plus dans ce qui est, mais dans ce qui se transforme. Les masses entrent en mouvement. L’œuvre architecturale cesse d’être composée d’éléments distincts (…) et l’articulation des parties (…) fait place à un agglomérat d’éléments qui ne sont plus indépendants les uns des autres. »
Le rococo
Au début du xvin* siècle, l’amalgame du baroque avec des éléments du classicisme qui caractérisait l’art de la cour de Louis XIV laisse la place à l’art privé du Rococo qui montre plus d’élégance et de confort. Stylistiquement, tandis que le rococo continue les complexités du baroque, il le traite comme une pure décoration. Quoique le rococo soit essentiellement décoratif, la période du Rococo produisit de grands artistes comme Watteau, Boucher et Fragonard en France, Tiepolo, Longhi, Guardi en Italie. Très différents de style, ces peintres ont néanmoins pour point commun le passage de la peinture d’histoire du xvne siècle vers un art plus intime, un amour de l’effet décoratif, la légèreté de la touche révélant souvent une certaine bravoure et un penchant pour les sujets érotiques ou amoureux comme dans les fêtes champêtres de Watteau.
En France, les excès du Rococo ouvrent la voie à la nouvelle austérité du Néoclassicisme à partir de 1770.
Le néoclassicisme
Réaction contre les frivolités du Rococo, le Néoclassicisme est un retour à l’ordre et aux règles issus de l’Antique. Il se développe dans le dernier quart du xvin* siècle en Allemagne et en Angleterre et gagne la France et l’Italie en touchant tous les arts. Mais ce retour n’est pas régressif, il revêt même des aspects utopiques, en particulier dans les projets d’architecture de Nicolas Ledoux et Etienne Louis Boullé. Succédant aux réflexions théoriques de Winckelmann (Histoire de l’art de l’antiquité) et de Lessing (Laocoon), il est contemporain des fouilles d’Herculanum et de la création de la science archéologique qui développera chez les peintres le goût de la justesse historique.
Le terme est appliqué également à toute œuvre qui s’inspire des formes antiques. C’est en ce sens qu’on peut dire que l’architecture des frères Perret comme celle de Ricardo Bofill possèdent des caractères néoclassiques.
Le romantisme
Dès la fin du xvm’ siècle, le Romantisme rejeta ce qu’on appelait les règles universelles de la raison pour se tourner vers l’emphase de l’imagination et des relations individuelles avec la nature, par l’expression des émotions. On ne peut pas dire que le romantisme s’oppose au classicisme comme style. En effet, les deux approches évitent tout autant d’être imitatives, la nature restant l’ultime
référence de l’artiste. Mais, tandis que le classicisme impose l’ordre à travers l’usage de règles, le romantisme insiste sur l’unicité de l’individu et son incompatibilité avec toute forme de contrainte, sociale ou intellectuelle. Delacroix, qui est un des principaux représentants du Romantisme français refuse ce label, clamant qu’il est un « pur classique », mais accepte l’appellation pour justifier sa lutte contre l’académisme : « Si on comprend par romantisme les libres manifestations de mes impressions personnelles, mon aversion pour les stéréotypes des écoles et ma répugnance pour les formules académiques, je dois admettre… que je suis un Romantique ».
Le romantisme s’identifie aisément avec les manifestations extrêmes de la nature : catastrophes, déchaînement des éléments, forces indomptables. Ce goût pour les belles horreurs, pour un plaisir mêlé d’effroi, traduit un nouveau rapport avec la nature, admiration enthousiaste et mélancolie mêlées, manifestation figurative de l’esthétique du sublime définie quelques années auparavant par Kant. L’attitude romantique est spécifique des aspirations des hommes après la Révolution française. Il s’agit de proclamer la dimension personnelle, de lutter contre l’industrialisation naissante, les institutions et les conventions.
Le réalisme
Les caractères distinctifs du réalisme en art sont :
- l’observation de la réalité par opposition à l’imaginaire. Le réalisme est à opposer à l’idéalisme. « Je ne peux pas peindre un ange, car je n’en ai jamais vu » a dit Courbet, le meilleur représentant du Réalisme au xix’ siècle.
- la primauté du trivial ou de l’insoutenable : Léonard de Vinci dessine des caricatures, Gérard David peint des scènes de supplice où le cadavre torturé est minutieusement représenté.
- la précision procurant l’illusion, différente de celle du trompe-l’œil, qui sera qualifiée, dans les années 1960-1970, d’hyperréalisme, ou de photoréalisme.
- l’exactitude : Sous l’instigation du docteur Georget, Géricault peint dix portraits de fous.
- la fonction sociale : avec Courbet, par exemple.
Le naturalisme
Dès le xvii’ siècle, l’Académie royale de peinture et sculpture définit comme « naturaliste » « l’opinion qui estime nécessaire l’imitation de la nature en toute chose. » En philosophie, le terme désigne les systèmes qui attribuent tout à la nature comme premier principe. La critique littéraire s’en empare au xix* siècle pour nommer cet effort de l’écrivain « qui essaie sur les faits sociaux ce que le naturaliste essaie sur les faits zoologiques » (Victor Hugo, préface de La légende des siècles, 1859). Compris dans ce sens, le naturalisme est une esthétique de la fidélité au réel et une transposition des méthodes de l’histoire naturelle. É. Zola, G. Flaubert, J.-K. Huysmans sont les principaux représentants de cette école, à laquelle seront provisoirement rattachés un peintre tel que Manet et le premier impressionnisme.
L’académisme
Le terme est aujourd’hui péjoratif et désigne un art figé dans des règles strictes et immuables. Pourtant, avant d’être doctrinaire, l’Académie a été un lieu de réflexion et de débats, qui permit aux arts du dessin de rompre avec le système sclérosé des corporations et d’accéder au statut d’arts libéraux.
Étienne Souriau en donne la définition suivante : « Doctrine, système ou pratiques tendant à donner aux oeuvres d’art la forme préconisée par une académie, au sens où il s’agit d’une institution, d’un groupement, imposant à l’artiste des règles, un idéal parfaitement défini, des moyens proclamés seuls légitimes, tout ce qui s’écarte des lois ainsi posées étant sévèrement condamné. » L’académisme, c’est-à-dire au fond le principe d’autorité introduit dans les arts, prétend d’ailleurs généralement se fonder sur les principes démontrables, des vérités essentielles, et la connaissance, l’étude, l’imitation des chefs-d’œuvre du passé. On peut aussi ajouter à ces traits l’idée de hiérarchie des genres artistiques, tendant à définir ce qu’on nommera le « Grand Art ».
L’éclectisme
L’éclectisme consiste à suivre la voie des maîtres en empruntant le meilleur à chacun d’entre eux : le dessin de Michel-Ange, la couleur de Titien, la grâce de Corrège… C’est la démarche conseillée par les Carrache, à la fin du xvie siècle. Un mouvement similaire, nommé parfois « historicisme », mais cette fois teinté de conservatisme, s’est développé dans la seconde moitié du xix* siècle, principalement en architecture.
L’expressionnisme
Il faut ici distinguer le mouvement expressionniste, essentiellement allemand, du début du xx » siècle et une tendance stylistique repérable tout au long de l’histoire de l’art.
Apparu récemment, vers 1910, le terme d’expressionnisme désigne plutôt un état d’esprit « travaillé » par l’émotion, l’instinct et le pathos de la conscience. Ce cri se traduit en des formes brutales et rudes, et par des couleurs exaltées, pures et contrastées. Cette tendance apparaît souvent dans l’art germanique, dès le xvie siècle avec M. Grünewald, A. Durer, C. Witz ou M. Shongauer. Présent chez certains romantiques (Füssli) l’expressionnisme s’affirmera fortement à la fin du xix6siècle (Van Gogh, Toulouse-Lautrec) mais surtout dans les premières années du xxe avec les artistes des groupes Die Brücke et Der blaue Reiter. Après la première guerre mondiale, une réaction contre ce pathos individualiste en appellera à une Nouvelle objectivité (die Neue Sachlichkeit) avec des peintres comme G. Grosz, O. Dix, M. Beckmann, C. Schad dont les intentions sont plus politiques.
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