L’art:original et les reproductions
L’art véritable est une création, jamais une répétition. Pourtant une véritable œuvre d art, comme n importe quelle image, laide ou belle, peut être reproduite. Cette répétition- là est nécessaire : elle sert à multiplier des équivalents de l’œuvre d’art et ainsi à la rapprocher de nous. S il fallait visiter tous les musées du monde pour connaître 1 œuvre des grands peintres, des sculpteurs, s’il fallait aller dans toutes les villes, et parfois au fond des forêts, pour admirer les plus belles architectures, 1 art deviendrait la propriété de quelques personnes riches et privilégiées. Le tourisme d’art et les voyages sont en effet très agréables, mais tout le monde ne peut en profiter. On a inventé la gravure, puis la photographie, la reproduction des couleurs, et aujourd’hui la cassette vidéo, le disque optique, qui sont capables d’amener l’art à tous ceux qui l’aiment. Ce qui est vrai des grandes œuvres l est aussi des objets d’art. Les acquérir et les collectionner coûte très cher: les voir dans les musées ou en admirer la reproduction dans des livres, à la télé, est à la portée de la plupart.
Les copies créatrices
Mais il y a là une contradiction. La véritable œuvre d’art est originale et unique. Les versions d’un même tableau par un grand peintre, les copies, ne sont jamais identiques, ni identiques entre elles, ni identiques à leur modèle. Leur mérite artistique est d’être originales. C’est déjà vrai des « copies » de Rubens par Delacroix. Quant aux œuvres de Picasso (p. 254) inspirées par Les Femmes d’Alger de Delacroix, elles sont une réflexion du peintre Picasso sur la peinture d’un grand peintre français. De même, une série de trois cents lithographies ou de gravures faites avec grand soin et surveillées par l’artiste a pour qualité de redonner, pour chacune d’entre elles, les qualités voulues par leur créateur. Si ces qualités s affaiblissent, la reproduction cesse de valoir l’œuvre. 11 faut savoir que, dans la meilleure des reproductions de peinture en couleurs, le changement de dimension (presque toujours), l’imperfection des couleurs par rapport à 1‘original (toujours) et bien d’autres détails encore font que ces images ne sont que des approximations de l’œuvre. Mais elles peuvent conserver l’essentiel. Quant à l’image d’une sculpture, dessin ou photo, la reproduction est encore plus éloignée de la statue elle-même ‘. elle donne un angle de vue, un éclairage et un seul. C’est un peu comme se faire une idée d’un film en regardant une succession de photos immobiles… Mais l’imagination et
Les faux
Une reproduction – par exemple les images que l’on voit dans ce livre – ne remplace jamais l’original; personne ne la confond avec lui. Mais il existe d’autres productions, qui sont faites pour tromper. C’est ce qu’on appelle des faux, et celui ou celle qui les réalise est un ou une faussaire. Le faux n’est ni une copie, qui peut être une œuvre originale et même un chef-d’œuvre, ni un pastiche. La copie prend pour modèle une œuvre d’art, par exemple un tableau, exactement comme le paysagiste prend pour modèle la nature. Le pastiche est comme une caricature du style; il imite la manière d’un peintre ou un style, parfois pour le critiquer ou s’en moquer, mais l’auteur ne se cache pas et ne cherche pas à faire prendre son travail pour celui de son modèle.
Au contraire, les faussaires cherchent à tromper. Comme les faux- monnayeurs, ils fabriquent (ils peignent, dessinent, plus rarement sculptent) une œuvre pour qu’on croie qu’il s’agit d’un auteur célèbre – et dont les œuvres coûtent très cher! Le faussaire peut reproduire une œuvre connue et dire que c’est une réplique, un autre tableau fait par le même peintre ; il peut copier ou « refaire » une œuvre perdue et dire
qu’on l’a retrouvée; il peut faire un « à la manière de » et imiter le style d’un grand peintre en inventant un sujet que ce peintre aurait pu prendre. Un grand faussaire hollandais, très habile, avait ainsi « inventé » plusieurs Vermeer, plusieurs tableaux qu’il faisait passer pour des Vermeer de Delft (p. 278). Il employait des toiles et des couleurs anciennes, les mêmes que celles de Vermeer, il s’appliquait à peindre exactement comme lui, le même genre de sujets. Beaucoup s’y sont trompés, mais aujourd’hui qu’on sait qu’il ne s’agit pas de Vermeer, ces faux sont devenus de très habiles imitations, faites au XX »siècle, du style d’un peintre du XVIIe siècle. Le faussaire, Van Meege- re, peut être considéré comme un véritable artiste, d’un genre heureusement exceptionnel. Ce qui n’empêche que ce peintre de faux reste un escroc, puisqu’il voulait faire prendre ses tableaux pour de « vrais »
Vermeer…
L’œuvre vraie et sa reconnaissance
Au fait, comment sait-on qu’une œuvre est « vraie », qu’elle est authentique (d un mot grec qui signifie « inattaquable, exact ») ? C’est l’affaire des experts, des personnes qui connaissent le mieux possible les œuvres d’un artiste ou d’une époque, d’un style, et tous leurs éléments. Certains tableaux sont reconnus depuis longtemps, mais pour les œuvres anciennes, 011 ne sait pas toujours exactement qui les a peintes, el leur attribution à un artiste n’est pas certaine. Parfois, cet artiste n’est pas connu, mais on reconnaît son style dans une série de tableaux : on parle alors du « Maître de… » (une ville : le Maître de Moulins; ou un sujet, une série de tableaux : le Maître de la vie de sainte Catherine, etc.).
D’autres fois, on est sûr qu’un tableau a été fait dans l’atelier d’un grand peintre, mais on 11e sait pas ce qui lui revient, ou ce qui revient à ses élèves. Les grands ateliers de peinture d’autrefois étaient comme les cuisines d’un grand restaurant : à côté du « chef », le peintre – par exemple Rurens (p. 265) -, il y avait des élèves, spécialisés ou non, et même (comme il y a des marmitons en cuisine) de plus jeunes aides qui préparaient les couleurs, nettoyaient les pinceaux et les brosses, et parfois commençaient à peindre. Ainsi, certaines œuvres sont faites par une équipe, ce qui n’empêche pas 1 artiste de les concevoir, de les T Jan Van Straet. diriger, de peindre ou repeindre les parties qui lui tiennent à cœur. L’Atelier de VanEyck, C’est encore plus compliqué pour la sculpture, parce que 1 atelier du xviesiècle sculpteur est connue une petite usine et qu’on fait de nombreuses répliques de sculptures pourtant authentiques. L’authenticité, l’attribution sûre à un artiste, est une chose et la signature en est une autre : il est plus facile d’imiter la signature d un peintre connu que de peindre aussi bien que lui ! Aussi les experts ne se contentent-ils pas de voir la signature de Picasso, de Dufy, pour garantir que le dessin ou le tableau est vraiment de ces grands artistes.
Vidéo : L’art:original et les reproductions
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