De la résidence à la ville,un programme homogène
Loger le plus grand nombre et créer une véritable industrie du bâtiment : dans la France d’après-guerre, l’urbanisme devient une affaire d’État. À la fin des années cinquante, des directives institutionnelles se mettent en place ; elles entérinent les nouvelles formes urbaines et se concentrent sur la définition des normes d’équipements des grands ensembles. C’est ainsi qu’en 1958, le Comité grands ensembles mis en place par Pierre Sudreau, ministre de la Reconstruction, élabore un Mémento d’usage pratique pour administrations, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre. Ces grilles normatives complètent la Charte d’Athènessans pour autant proposer la moindre réflexion sur les qualités et formes des espaces. Elles fixent dans le détail le nombre et la nature des équipements selon les tailles des opérations. Une quinzaine de pages est par exemple consacrée à la conception des espaces plantés d’une agglomération qui sont finement classifiés : « jardins privés (terrasses, balcons, jardins individuels, jardins d’immeubles) ; jardins collectifs de jeux et de sport (jardins d’enfants, jardins d’école, aménagements sportifs, centres de jeunesse) ; jardins publics (jardins de quartier et parcs urbains, réserves naturelles de verdure, voies plantées, jardins spéciaux) ; jardins des morts (cimetières) » 5. La prescription normative n’exclut pas le rappel des fondements du nouvel urbanisme : le « rôle social » double, physique et moral, des parcs urbains est souligné.
Cette normalisation s’applique à toutes les échelles : de la résidence à la ville, tout est normalisé. L’espace urbain est réduit à un programme d’équipements dont les surfaces afférentes sont décomposées en surfaces bâties, surfaces non bâties et voirie.
C’est ainsi que la « grille Dupont » expose en un même tableau l’ensemble des surfaces requises pour une « unité de voisinage de 1 200 logements », pour un « quartier de 2 500 logements » et « pour un grand ensemble de 10 000 logements ». La question de l’échelle est résolue de manière quantitative ; il n’y a pas de modification de nature entre une résidence et une ville.
Cinq principes fondateurs
Cette homogénéité est déjà intégrée à la Charte d’Athènes ; à partir de la masse critique minimum d’environ 250 à 300 logements, toutes les opérations partagent cinq principes fondateurs. Le premier est la création d’un espace vert, cœur et fondement de l’opération, dans ou autour duquel les immeubles s’implantent. Le deuxième est une orientation des immeubles qui tienne compte de l’ensoleillement minimal des logements. Le troisième est la ségrégation des circulations des véhicules et des piétons et la hiérarchisation des différents types de voies. Le quatrième est la recherche d’une autonomie entre les bâtiments et la voirie, avec pour corollaire le refus d’alignement : le bâti ne se plie plus au hasard des formes urbaines mais est implanté en fonction d’une négociation entre orientation et contexte. Enfin, le dernier est la volonté d’intégrer des équipements commerciaux, éducatifs, sportifs ou sociaux dans chaque réalisation, quelle que soit son échelle.
Cette programmation unitaire trouve son écho théorique dans l’homogénéisation de l’espace de la ville – un parc dans lequel sont posés les bâtiments. Mais il est frappant de constater que cette homogénéisation globale, qui ne définit en rien les espaces,
autorise une variété de dispositifs concrets et de figures urbaines.
Vidéo : De la résidence à la ville,un programme homogène
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