Évolution foncière des grands ensembles
Ces quartiers ont beaucoup changé en quarante ans. La transformation la plus complexe et la moins visible est foncière. On pourrait parler à ce propos d’opérations successives de remembrement-démembrement. Dans les années cinquante — soixante, la Tendance était à l’agglutination de parcelles, pour obtenir d’énormes propriétés d’un seul tenant. Les années quatre-vingt – quatre-vingt- dix au contraire ont été caractérisées par la cession des terrains d’assiette des équipements publics, la municipalisation de la voirie et le lent morcellement des fiefs des opérateurs sociaux. Ces nouvelles divisions foncières, encore peu visibles sur le terrain, auront des conséquences importantes sur l’évolution des quartiers.
Reste à les empêcher de devenir irréversibles, alors qu’elles se font au coup par coup, au gré des nouvelles opérations et sans projet global sur la forme des espaces publics.
La division foncière a toujours été un cadre pérenne de l’évolution urbaine : les traces parcellaires survivent souvent au bâti, voire au tracé des voies. Tout parcellaire urbain connaît des phases de formation, d’effacement et de recomposition ; il subsiste à chaque étape des traces des phases antérieures. Dans la formation des faubourgs parisiens par exemple, les grands enclos d’origine agricole, religieuse ou industrielle se sont intégrés progressivement à la structure globale par « émiettement ». Les grands ensembles n’échappent pas à cette règle de formation urbaine décrite par les géographes. Mais l’évolution de leur découpage ne se fait pas selon les lois traditionnelles et « logiques » du lotissement. Les nouvelles emprises couvrent un vaste spectre formel qui reprend les formes du bâti en quinconce, suit la voirie en boucle et génère de nombreux délaissés. L’analyse de ces transformations est une tâche essentielle pour conserver la maîtrise urbaine de ces quartiers, et sauvegarder leurs atouts, les grands espaces publics.
Si le parcellaire a été effacé au centre du grand ensemble, ses franges restent tributaires de l’environnement immédiat, pavillonnaire, industriel ou autre : la ville proche continue à se transformer selon des principes classiques. Alors que les plans-masses d’origine ont délibérément ignoré la forme des limites en leur tournant littéralement le dos, celles-ci sont aujourd’hui devenues un élément important de la recomposition urbaine. C’est en effet sur ces franges, parfois vastes mais difficilement constructibles en l’état, que se concentrent les dysfonctionnements : friches, parkings isolés, problèmes de voisinage, espaces résiduels effilochés difficilement transformables en jardins. La contradiction entre la nature semi-publique de la voirie périphérique et la nature privée des fonds de parcelles adjacentes rend l’aménagement ou la transformation de ces espaces particulièrement délicats. Une stratégie de projet serait d’inverser le système de voirie de rancien grand ensemble : adosser un fond de parcelle nouvelle à un fond de parcelle ancienne, reporter la nouvelle voirie à l’intérieur, valoriser la nature publique du grand espace central.
Vidéo : Évolution foncière des grands ensembles
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