Redécouper le privé pour maîtriser le public
La gestion et l’entretien des espaces verts, problèmes cruciaux pour les gestionnaires, font l’objet de conventions passées avec les municipalités par associations syndicales interposées, afin de partager les responsabilités et les frais. Ces conventions créent à leur tour de nouvelles limites qui ne sont ni celles de la propriété, ni celles du cadastre, ni celles d’un tracé au sol, mais celles d’une répartition « pragmatique » de gestion. Ce mélange complexe de limites ligote municipalité et propriétaires dans un écheveau qui les oblige à négocier au coup par coup toute nouvelle implantation ou décision d’aménagement. On assiste à l’apparition d’une sorte de stratégie de troc : en échange de telle ou telle avancée de limite, il sera concédé tel où tel recul d’une autre. Cette souplesse apparente se heurte de plus en plus aux règles urbaines élémentaires, notamment celles du POS.
C’est pourquoi il nous semble qu’une nouvelle maîtrise des espaces libres implique paradoxalement une reprise de contrôle des espaces privés. Les grands ensembles se transforment peu à peu aujourd’hui, pour des raisons d’obsolescence technique, sociale ou programmatique. En accueillant d’autres couches sociales et d’autres activités, en se densifiant et en se clôturant, ils se reconstituent sous une forme différente et fragmentée. Si l’on veut qu’ils conservent leurs vastes espaces « libres », il faut tenter de rendre ces derniers réellement publics.
Les transformations spatiales au coup par coup éloignent peu à peu les grands ensembles de leur morphologie « moderne » d’origine, qui relevait pour une bonne part du despotisme éclairé des experts. Mais elles ne les rapprochent pas pour autant des formes de la ville « traditionnelle », assise sur la petite propriété foncière. Le résultat de cette transformation n’est donc ni moderne, ni classique, ni même postmoderne, si ce n’est dans l’aspect stylistique de certaines architectures qui tentent de mimer une urbanité mythique. En quarante ans d’existence, les grands ensembles ont acquis une morphologie hybride, ce qui n’était le cas ni descorons vers 1910 ni de la banlieue pavillonnaire vers 1950 ni des HBM vers 1970. Les concepteurs des années cinquante croyaient procéder à l’agglutination scientifique de cellules parfaites dans un environnement idyllique : une typo- logie-morphologie indépassable, des espaces modernes fluides et figés à la fois. Nous savons aujourd’hui que ces quartiers évoluent comme les autres. Ils changent même beaucoup plus vite, par fracture sociale sans doute mais aussi par trop-plein d’espace et absence de structuration foncière. Au terme de ces transformations inéluctables, le risque est grand de voir les ensembles d’habitation perdre leurs qualités « modernes » d’origine, sans retrouver pour autant les qualités de la ville « historique ».
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