A l'origine:haine de la parcelle et remembrement
Le mode de production du logement collectif pendant les Trente Glorieuses « exigeait » d’énormes terrains. Les raisons tenaient autant à l’idéologie qu’à la technique : hygiène, économies
d’échelle, chemin de grue, commodité d’implantation des réseaux, etc. Au-delà du désir légitime de construire vite des modèles supposés idéaux, les constructeurs étaient aussi mus par la volonté d’effacer toute trace de l’ancien parcellaire, voire de bloquer toute possibilité d’en inventer ou d’en reconstituer un nouveau. L’idéologie antiparcellaire s’est développée de manière théorique pendant toute la première moitié du siècle11 pour atteindre un sommet radical dans les années quarante-cinq — cinquante. La division foncière est alors jugée comme une « maladie chronique » qui empêche la modernisation de la ville. Une brochure du MRU de 1945 explique « l’absurdité qu’il y aurait à reconstruire du neuf sur un tracé périmé ». Dans le numéro 3-4 de Techniques et Architecture de 1947, le morcellement du sol est comparé aux « méthodes de découpage de la viande de boucherie ».
La politique de regroupement parcellaire, calquée sur les techniques du remembrement agricole et amorcée après la Première Guerre mondiale, est mise en place dès l’armistice. Elle va rapidement apparaître insuffisante aux urbanistes de la reconstruction de 1945. Dans le numéro de septembre-octobre 1946 de l’Architecture d’aujourd’hui, Jacques Tournant dénonce l’insalubrité et la confusion du parcellaire ancien dans un article au titre révélateur, « Le remembrement » : « En ce qui concerne les villes, il était évident, depuis très longtemps, que le morcellement, l’enchevêtrement et l’irrégularité des parcelles s’augmentant au cours des siècles, entraînaient de multiples inconvénients, aussi Dien du point de vue des facilités de construction qu’au point de vue de l’hygiène. »
Dans ce même numéro d’AA où paraîtla Charted’Athènes, un petit manifeste intitulé « Un vœu de la commission de modernisation du bâtiment et des travaux publics » reprend avec ferveur l’argumentation antiparcellaire : « Le remembrement constitue une des pierres de touche de la reconstruction. Dans une large mesure, l’architecture est inscrite dans le parcellaire, il n’y aura donc d’organisation possible de la construction que si le remembrement est effectué suivant des méthodes nouvelles. Des principes dirigeant ce remembrement découlera la qualité des solutions proposées. Partir, en effet du rétablissement d’un parcellaire s’étendant à toute l’étendue de la ville serait, malgré les améliorations certaines qu’il apporterait, recréer les obstacles et .es servitudes qui ont, depuis cent ans, entravé le développement harmonieux des centres urbains. Si, dans certains cas — villages, bourgades, banlieues, quartiers de résidence — le parcellaire
peut être maintenu après révision et regroupement raisonné des parcellaires, dans la plupart des cas celui-ci doit être abandonné au profit d’un nouveau système de répartition de la propriété du sol. L’ensemble des récentes expériences d’urbanisme faites tant en France qu’à l’étranger, montre que seul le rachat du sol, préalable à toute construction, apporte la liberté qui permet aux urbanistes et aux architectes de conduire rationnellement leur entreprise : implantation des bâtiments, distribution des circulations, zonage, réserves d’espaces libres, plantation, etc. » (c’est nous qui soulignons).
La nouvelle démarche projectuelle qui inverse le système de constitution de la ville s’exprime ici de façon limpide.
Vidéo : A l’origine:haine de la parcelle et remembrement
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