Frittes, émaux et glaçures
Les frittes sont des verres bruts, les émaux et les glaçures sont des verres perfectionnés dont la composition est calculée pour adapter leur coefficient de dilatation à celui de la terre.
L’adhérence sur la terre
Pour comparer les propriétés des différents verres, il est utile de faire des essais de fusion de verre à vitre ou à bouteille broyé, ou même de cristal, ou encore du verre optique. Les résultats sont intéressants et je les fais toujours examiner attentivement car ils mettent en évidence le cœur de la céramique : le verre fond et adhère sur la pièce en se liant à la surface siliceuse de la terre. Mais, au refroidissement, alors que les deux protagonistes résorbent chacun leur dilatation, des tensions naissent dans chaque substrat : le verre quitte sa phase pâteuse et se solidifie; à ce moment, soit il éclate sous la pression car la terre poursuit son retrait et le comprime, soit il casse parce qu’il continue son retrait alors que la terre a terminé le sien. Voilà les secrets respectifs de l’écaillage et du tresaillage. Si ce dernier est un partenaire actif du décor de l’émail (la craquelure volontaire est si généreuse), l’écaillage, disgracieux, lui, sera évité, sauf pour certaines recherches esthétiques (le « raku nu »).
Les températures de cuisson
Le point décisif des cuissons rapides est la température de vitrification : la plage habituelle s’étend de 750 à 1 200 °C, ce qui est considérable car on a ainsi un champ d’investigations illimité dans la théorie, mais lié à la nature de la terre : par exemple 800 °C pour du bijou en terre de faïence fine et 1 200 °C pour une terre réfractaire destinée à l’extérieur et qui doit être ingélive. En Occident, les températures les plus basses sont adoptées au XVIIIe siècle, dans un premier temps pour les couleurs vitrifiables, dites « de moufle » ou « de réverbère », que l’on cuisait quelquefois en une heure dans des moufles en fonte, ou même à l’aide de moufles portatifs, ancêtres des actuels fours cloches.
Ces couleurs, posées sur des porcelaines ou des faïences émaillées « en blanc », ont donné naissance aux émaux de moufle, plus épais mais toujours posés en repiquage sur des « blancs », manière également très prisée en Chine. Un élément essentiel du choix de la température est lié à la plage de viscosité : pendant la cuisson, certaines glaçures passent rapidement de la phase pâteuse à l’origine liquide et coulent fortement, d’autres conservent plus longtemps leur fixité. Tout cela est question d’essais passionnants dans lesquels l’œil et le pyromètre sont mis à rude épreuve.
Genèse de la cuisson
Les cuissons rapides nécessitent que les pièces soient mises à préchauffer, généralement en les disposants à proximité du foyer, ou simplement sur le couvercle du four. Cela entraîne déjà l’évaporation de l’eau absorbée par le biscuit lors de l’émaillage. Après l’enfournement, le feu est libéré et les flammes s’attaquent à la surface des pièces. Les matières organiques telles que les agents d’encollage subissent le premier assaut et brûlent, puis la surface de l’émail craque; s’il n’est pas suffisamment adhérent au biscuit, il se produit des décollements, surtout si plusieurs couches sont superposées.
Un autre problème affecte les glaçures crues (non frittées) qui risquent de connaître le désagrément du « crépitage », projetant des éclats de matières. Lorsque la phase pâteuse débute, les matières poudreuses commencent à se coller entre elles, mais elles tendent aussi à se rassembler en mamelons, séparés par des vallées ; l’exemple le plus évident est celui des émaux fixes à forte viscosité. La terre nue peut alors apparaître, phénomène qu’il ne faut pas confondre avec le retirement pour cause de surface graisseuse ou poussiéreuse. La température du biscuit joue à ce moment un rôle déterminant : si la courbe de température est trop rapide et que le biscuit demeure trop froid par rapport à son recouvrement, celui- ci peut se détacher en plaques, surtout s’il est posé en forte épaisseur. Le commencement de la liquéfaction s’accompagne de réactions liées à la nature de l’enduit, qui peut être affecté par une combustion trop réductrice : bouillonnements, bulles de gaz, cratères.
C’est l’instant magique où s’accomplit la naissance du verre; les frittes, par leur cuisson préalable, posent moins de problèmes que les mélanges crus, qui doivent assurer leur propre fusion intime. Plus le verre se liquéfie, plus il se nappe et devient actif, attaquant la silice du corps pour former une couche dite « intermédiaire ». C’est aussi le moment de la formation des couleurs : les oxydes ou les pigments se diffusent dans la masse vitreuse. A ce stade, la sensibilité de l’émail est exacerbée, une modification d’atmosphère provoque des réactions quelquefois violentes. L’arrêt de la chauffe est décidé en fonction de la viscosité de l’émail et de l’effet recherché. Peau mate, satinée ou brillante ? Peau tendue ou coulures ?
Les accidents sont fréquents, parfois inévitables, mais peuvent offrir des perspectives de recherches insoupçonnées. Une cuisson ratée peut se rattraper par un nouvel émaillage. Sous-cuite et rugueuse, ou sur-cuite et trop glacée, la pièce reçoit une nouvelle couche d’émail encollé, passée sur son corps chaud (pour faciliter l’adhérence) ; les lustres métalliques en solution, passés sur des fonds irréguliers, favorisent également des réactions originales.
Compositions vitreuses basiques
La tentation de jouer à l’alchimiste est toujours présente, surtout pour les débutants qui, afin de mieux comprendre le processus de la formation d’un verre sur la terre, aborderont l’usage des minéraux et de leurs composés de base dont la fusion se termine par la naissance d’une couche vitreuse, tirant le plus grand profit de l’observation des défauts. Il est utile de procéder à des essais qui mettent en évidence le rôle des madères et de leur interaction. Les formules données d’après les traditions japonaises se réfèrent souvent à des noms locaux de minéraux ou de matières dont l’équivalence n’est pas toujours facile à établir; de plus, elles ne sont pas figées et évoluent selon les approvisionnements. Aussi, afin de proposer des solutions pragmatiques, je n’exprimerai que des repères identifiables.
Dans la pratique, il est facile de produire soi-même ses enduits vitreux.
Frittes
Les frittes sont des bases minérales (silicates), préalablement fondues dans un creuset ou dans un « four coulant ». Il convient de les compléter par d’autres constituants pour obtenir une glaçure ou un émail, mais elles ne sont pas indispensables à la préparation d’un émail, qui peut être issu d’un simple mélange de matières nécessaires.
Une fritte est théoriquement constituée par une part siliceuse, des fondants tels que les alcalis, le plomb, le borax, et généralement un agent de viscosité (alumine). Je fais la distinction entre fritter et fondre : fritter consiste à agglomérer faiblement les constituants par un début de fusion pâteuse; fondre amène la fusion liquide et intime des constituants. Le frittage est donc une opération par laquelle des constituants solubles dans l’eau sont transformés, partiellement ou totalement, en les associant à la silice, en un verre primaire qui est ensuite broyé puis porphyrisé. Les formules de frittes industrielles correspondent à quelques compositions types pouvant être complétées, par simple mélange. Les ajouts concernent principalement des fondants puissants ou au contraire des durcisseurs, des agents de viscosité, des modificateurs de dilatation, des plastifiants, des réactifs pour créer des matières et des colorants. Mais certaines formules sont si élaborées quelles peuvent être considérées comme des glaçures ou des émaux.
Frittes artisanales et frittage
S’il est possible de fritter soi-même ses mélanges à l’aide d’un petit four à creuset et d’un brûleur à gaz, il est plus difficile de les réduire en poudre. Le mortier et son pilon vous transforment alors en alchimiste, et le broyeur à jarre et à boulets, en chimiste. Ces opérations sont dangereuses; de plus, le travail est long et pénible, mais il possède ses adeptes qui y trouvent le moyen d’échapper à l’uniformité. Des ouvrages spécialisés décrivent en détail cette opération. Un verre à vitre broyé peut servir de fritte alcaline et le cristal de fritte plombeuse.
Émaux et glaçures
Un usage récent simplifie le vocabulaire en recommandant de réserver « glaçure » pour les verres transparents (colorés ou non) et « émaux » pour les verres opaques (blancs ou colorés). Cette distinction fonctionnelle, à laquelle nous nous conformerons pour éviter toute ambiguïté, est souvent prise en défaut car il existe des situations intermédiaires.
Pour les cuissons qui nous concernent, il est impossible d’utiliser des préparations terreuses naturelles comme celles pour la porcelaine et le grès (en général feldspathique), car leur vitrification ne peut être assurée. Il est donc indispensable de partir de compositions fondant à plus basse température, dans une plage comprise entre 800 et 1 100 °C. Nous poserons pour simplifier que, à température égale de vitrification, les glaçures sont plus fusibles, coulantes et couvrantes que les émaux; ces derniers se posent plus épais et atteignent même une totale fixité lorsque leur composition s’approche de celle d’un engobe vitreux. Le potier exploite ces différences pour créer des matières subtiles. Deux écoles s’opposent en toute logique. L’une prône que le céramiste doit être en mesure de calculer et de fabriquer lui-même ses verres, et l’autre que cela n’est pas nécessaire car toutes les formules utiles sont commercialisées et qu’il est plus essentiel de s’attacher à leur application.
Le choix d’une glaçure ou d’un émail
Toutes les glaçures et tous les émaux courants trésaillent sur les terres sous-cuites, en raison de la forte différence de dilatation entre terre et verre ; mais ce ne sont pas, pour autant, des glaçures tresaillantes car elles ne présentent pas nécessairement cette caractéristique. Le développement d’une glaçure passe par plusieurs stades ; elle est mate en sous-cuisson, puis laiteuse et, à maturité, transparente; en surcuisson, elle se dévitrifie. En cycle rapide, trop de paramètres demeurent non maîtrisés. A chacun de vivre en alternance la douleur et le bonheur du feu. Les formules ne sont donc que des indications de départ à interpréter selon ses affinités. Si l’on veut étudier plus particulièrement l’influence des glaçures sur le développement des couleurs, les recherches de Louis Franchet sont indispensables.
La viscosité des glaçures
Les glaçures boraciques sont les plus utilisées car elles sont peu coulantes et visqueuses (on dit aussi « fixes »). On peut les améliorer en augmentant la part d’alumine, de magnésie ou de talc, ou encore en les opacifiant avec une base stannifère.
Coloration des glaçures et des émaux
Les enduits vitreux se colorent facilement par simple mélange, mais les résultats obtenus diffèrent sensiblement selon leur nature: une base plombeuse et une autre alcaline ou boracique donneront des teintes ou des nuances distinctes, une base transparente réagira autrement qu’une autre opaque.
Les pigments industriels sont des compositions complexes obtenues par frittage, ce qui leur permet de développer une palette plus large que celle des oxydes. La dispersion des colorants dans la masse du verre se fait pendant la fusion, lors du passage à la phase liquide.
Le matage
La sous-cuisson d’une glaçure ou d’un émail, dont j’ai parlé précédemment, donne un aspect mat. Mais il est préférable de modifier chimiquement ces verres en y introduisant un minéral réfractaire qui reste en suspension saturée dans l’émail et ne s’y dissout pas, annihilant le glacé donné par le fondant. Evidemment, la rugosité plus ou moins apparente que présente alors la pièce la rend quelquefois impropre à un usage alimentaire. Les oxydes d’aluminium, de calcium, de baryum, de magnésium et de zinc favorisent les effets mats, ainsi que le métasilicate de chaux (wollastonite).
Craquelures
Combattu pendant dix siècles par les faïenciers européens, qui ont réussi à éliminer ce défaut rendant totalement insalubres les poteries culinaires, le trésaillage est admis et même apprécié par les porcelainiers asiatiques dont le rapport avec les usages fonctionnels est différent car leur tesson est étanche. Cette brisure franche qui affecte la couche vitreuse provient d’une force mécanique émanant du corps chauffé, qui se dilate puis se contracte au refroidissement. La céramique étant hétérogène car formée d’un support terreux recouvert d’un revêtement vitreux, chacun de ses deux composants possède son propre pouvoir de dilatation. Si le problème n’existe pas lors de la première montée en température, car le revêtement est encore poudreux, il apparaît au refroidissement dès que le verre est constitué et qu’il quitte la phase pâteuse pour durcir. Si les deux matériaux suivent une même courbe de dilatation, leur retrait dimensionnel sera identique et la surface résistera aux tensions. Mais si le corps se rétracte moins que le verre, celui-ci se brise en restant adhérent, et cela jusqu’à ce que les tensions soient annihilées, ce qui explique la différence de maillage des réseaux de craquelures, plus ou moins larges selon le rapport entre les coefficients de dilatation et selon le rapport entre l’épaisseur du support et celle de l’enduit (la craquelure est plus large dans les zones où l’émail est plus épais). Certaines glaçures, posées épaisses, tresaillent si finement que les Orientaux les disent « truitées ». Leur transparence est alors voilée par la réfraction de la lumière dans l’épaisseur de la cassure ; la couleur de la terre apparaît faiblement sous cet effet satiné. Il est difficile de développer un émail sans tresaillure sur les pâtes sous-cuites car leur coefficient de dilatation est peu élevé ; c’est pour cette raison que les « terres à feu » culinaires européennes des XVII’ et XVIIP siècles, comme les céramiques raku, trésaillent facilement.
Admettre le trésaillage
Admettre la trésaillure comme un élément positif de l’art du feu ne s’est imposé que tardivement en Europe ; la craquelure volontaire des vieux Longwy est vraisemblablement inspirée par celle du raku blanc. La part la plus subtile du trésaillage demeure dans la maîtrise de son réseau ; une adaptation de la densité et du graphisme des craquelures sert la forme et la surface. Cette vibration complexe est un grand moment d’émotion pour le céramiste; de sa réussite dépend souvent l’expression définitive de l’œuvre car combien de pièces pourtant bien tournées paraissent inertes. Le volume de la pièce, les arêtes vives, la composition de l’émail et son épaisseur, ou la brutalité du refroidissement sont autant de facteurs qui modifient le rythme et le graphisme de cette toile sans araignée. La mise en évidence des craquelures se fait avec discernement, elle peut être accentuée à chaud par un enfumage ou à froid par un colorant, mais il est aussi possible de laisser le temps faire œuvre créative : l’usage quotidien d’un bol à thé provoque une tendre patine qui rappelle le passage des ans… L’accord ou le désaccord volontaire entre le support et le revêtement se juge après un premier essai de cuisson. Selon le résultat, il est possible d’intervenir en modifiant soit la composition de la pâte, soit celle de l’émail.
Toutefois, l’ajout de matières complémentaire est complexe; l’action peut être positive jusqu’à un certain pourcentage, puis devenir négative ensuite, c’est le cas de la chaux dans les pâtes. Certains enduits vitreux possèdent toutefois une élasticité suffisante pour éviter le trésaillage des poteries de cuisine à des températures normales d’utilisation (-30 à +100 °C) ; cela tient à la formation d’une couche intermédiaire de liaison entre le support et l’émail. Cette couche se forme naturellement par la dissolution en surface de certains composants de la terre, sous l’effet du flux vitreux en formation ; il est impossible d’éviter le trésaillage sur certaines terres. Ce point est très complexe à étudier; ainsi le chimiste Munier a démontré que des plaquettes fabriquées avec une même pâte, toutes recouvertes de la même glaçure, ont donné un réseau de trésaillage naturel en four tunnel, alors qu’elles montraient une résistance de 180 °C à la douche froide lorsqu’elles étaient cuites en four intermittent.
L’enfumage de pièces craquelées
Il apporte une nouvelle dimension car le dépôt fuligineux pénètre profondément puis se glisse entre l’émail et le support, créant une zone ombrée, plus visible sur les terres blanches. La craquelure à froid peut être mise en évidence, comme dans les émaux de Longwy, en frottant la pièce avec un jus d’oxyde de fer rouge.
Le « raku nu » ou « cuisson en coque »
C’est certainement l’une des formes les plus affirmées du jeu des craquelures; l’enfumage crée d’exceptionnelles traces carbonées sur le biscuit, car on protège certaines parties de la pièce par un recouvrement provisoire (la coque). Tous les effets sont directement dépendants du choix des matériaux, chaque terre et chaque émail apportant une part de mystère dans les maillages différenciés.
Le plasticien et céramiste Thiébaut Diétrich, avec ses Déesses réalisées à partir d’éléments tournés, recherche dans cette cuisson une symbolique de la vie évoquée par la dynamique d’un réseau sanguin dont le carbone aurait été piégé par le minéral. Sa manière de procéder est complexe : après le biscuitage de la forme, un engobe naturel (terre) ou artificiel (kaolin : 3 % et silice : 2 %) est posé partiellement ou totalement sur la pièce, au pinceau ou par arrosage ; il ne peut y avoir d’adhérence définitive de ce revêtement (seul un engobe de type vitrescible en serait capable), qui reçoit aussitôt un émail ou une glaçure. La cuisson qui suit l’amène à se craqueler plus ou moins violemment selon la nature alcaline, boracique ou plombeuse de l’enduit vitreux. La pièce, sortie du four, est aussitôt enfumée traditionnellement à la sciure, dans un caisson étanche; les gaz réducteurs pénètrent jusqu’au tesson par les craquelures. Le refroidissement à l’eau qui s’ensuit fixe la carbonisation et provoque une tension entre le corps et l’engobe, qui s’écaille totalement, seul ou aidé. La pièce apparaît alors, par endroits, dans sa nudité terreuse. Thiébaut Diétrich travaille également des terres crues revêtues d’un engobe poli de type « sigillé blanc » (obtenu par décantation d’une terre alcaline, comme le ball-clay), sur lequel il applique le principe de l’enfumage en coque.
Chaque adepte modifie ces principes pour atteindre sa propre magie : Anne Carel, avant d’engober, travaille des réserves à la cire ou au latex et recouvre également doublement la pièce, d’abord par un engobe vitrescible, et ensuite avec un émail qui devient la couche pelable après refroidissement. Elle enfume « à vue », en jetant de la sciure sur la pièce aux endroits où elle souhaite voir apparaître les effets fuligineux.
Superpositions
Les superpositions d’émaux ou de glaçures, sur la totalité de la pièce ou par zones, génèrent des effets innombrables, souvent proches de formes picturales, mais difficilement reproductibles. Les glaçures fusibles sont les plus actives. En sous-couche, elles génèrent les coulures. Posées sur un engobe, elles modifient sa matité et même sa couleur : un engobe alcalin au cuivre, de ton turquoise, présente des nuances émeraude sous l’effet d’une glaçure plombeuse. Les oxydes jouent également un rôle créatif en réagissant à l’attaque des verres en fusion : les jus se parfondent ou s’intensifient selon la base qui les reçoit.
Glaçures au sable et: inclusions
Seinyû XIII (1887-1944) expérimenta un décor dans lequel des minéraux ou du sable étaient scellés par la fusion de la glaçure ou de l’émail : l’effet est rude et tendre à la fois. Rude par le côté tactile et tendre grâce à la brillance décomposée par les protubérances. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, en France, les vernis saupoudrés de grains de sable de la poterie populaire ou les fonds sablés de Deck poursuivent un même but: se jouer de la lumière en piégeant les ombres portées par les reliefs. L’inclusion de matières minérales ou de morceaux de tesson ouvrent un autre horizon de recherches sur l’accord de l’émail.
Traces et empreintes de refroidissement
Les traces de la pince dans l’émail visqueux sont des marques indélébiles de la dernière opération de la cuisson, aussi étaient-elles admirées comme une signature. De même, alors que l’on sort la pièce du four, revêtue de son émail fondu, ce dernier refroidit rapidement et atteint en quelques secondes sa phase pâteuse. Si la pièce est alors placée sur un lit de paille ou de copeaux, ceux-ci imprimeront délicatement leur empreinte, réagissant sur l’émail en s’enflammant et en provoquant un enfumage ponctuel plus marqué.
Le décor peint
Le décor pictural figure dans la céramique japonaise de la cérémonie du thé, comme je l’ai indiqué plus haut. Mais il ne représente qu’une part peu connue, tout au moins des Occidentaux, qui semblent avoir préféré le jeu des belles matières. Bernard Leach rappelle deux procédés qui ont la faveur des Orientaux: la création de réserves lors du trempage au bain, soit par l’emploi de pochoirs en papier fin collés sur le biscuit ou même sur une première couche de glaçure, soit par la création d’aplats ou de graphismes à l’aide de cire chaude. Le jeu des recouvrements par des émaux différents, la réaction entre les couches qui en résulte souvent apportent d’infinies variantes. Le travail au pinceau est également traditionnel.