Intérét général et intérét local:une nécessaire renégociation
L’histoire a largement contredit les théories fonctionnalistes de la circulation. La hiérarchie des voies laisse peu de choix dans les itinéraires et peu de possibilité d’évolution ; tout défaut de conception met en cause le fonctionnement global du système, les ajustements sont difficiles et coûteux.
Les voies primaires et secondaires ont largement coupé les nouveaux quartiers de toute référence urbaine. Le zonage fonctionnel a engendré des coupures physiques et mentales dans la ville : l’accès aux « unités résidentielles » est la plupart du temps peu lisible, leur système d’adresse souvent très complexe.
La séparation piétons-autos s’est en définitive faite aux dépens des piétons : c’est à ces derniers que l’on tend à imposer des contraintes, alors que toutes les facilités sont accordées à l’automobile. La formule du point 62 dela Charted’Athènes , « le piéton doit pouvoir suivre d’autres chemins que l’automobile » devient souvent : « le piéton doit suivre d’autres chemins que l’automobile ». La volonté de « protéger » les piétons les exclut d’une part importante du territoire urbain et les cantonne dans des dispositifs ségrégatifs (les passerelles de franchissement au-dessus des voies, par exemple) qui méconnaissent les usages et les pratiques sociales, et s’avèrent inopérants : la fluidité et l’accélération du trafic a créé de nouveaux risques. En outre, nombreux sont les quartiers d’habitation récents qui ont vu leur territoire traversé par des grandes infrastructures primaires qui n’étaient pas prévues au départ, comme à Bron-Parilly ou à Saint-Etienne-Beaulieu.
Le rapport entre intérêt général et intérêt local fait l’objet aujourd’hui d’une nouvelle négociation, placée sous le signe d’une double logique sécuritaire et identitaire. La logique sécuritaire veut lutter contre la vitesse, facteur de risque et d’accident dans les agglomérations. La logique identitaire conduit à rejeter des infrastructures dont l’usage ne concerne pas les quartiers traversés et à porter la priorité sur les investissements à caractère local. Mais si le consensus semble aujourd’hui se faire sur ces objectifs élémentaires, les savoir-faire techniques souffrent d’une grande confusion et mettent en œuvre des conceptions parfois opposées.