L’essence de l’art : L’imitation
L’artiste est un imitateur
Si nous avons compris le but assigné à l’art, reste à en déterminer le principe fondamental. Aristote considère qu’il n’est autre que l’imitation, mimêsis en grec ancien. Ce qui différencie les arts, ce sont les moyens qu’ils mettent en œuvre pour imiter, les objets qu’ils imitent et la façon dont ils imitent.
« De même que certains imitent par les couleurs et le dessin bien des choses dont ils nous tracent l’image, de même que les autres imitent par la voix tous réalisent l’imitation parle rythme, le langage, la mélodie combinés ou non. Par exemple, le jeu de flûte, delà cithare et les autres arts qui ont le même effet, comme le jeu de la syrinx, imitent en recourant seulement à la mélodie et au rythme, et la danse imite à l’aide du rythme sans mélodie ; car les danseurs aussi, à l’aide des rythmes que traduisent les danses, imitent des caractères, passions et actions. »
Qu’est-ce qu’un « poète » ?
La mimêsis est la représentation d’une action vraisemblable, l’artiste construit son imitation/représentation à partir du réel, et en particulier le réel humain : tel est l’objet de celui qu’Aristote appelle le « poète » en son sens le plus large, cet artisan de fables, cet imitateur des mœurs, des crises, des actions et des passions humaines. Le « miméticien » s’inspire du réel et y mêle l’invention en un savant agencement et une belle structure. Mais d’où vient cet art de l’imitation qui fait le poète ?
L’art comme instinct
Comme tous les animaux, l’homme possède un instinct d’imitation, il est même l’animal qui imite le plus et le mieux, d’où l’art, phénomène humain par excellence. Si l’essence de l’art est fondamentalement mimétique, il vise également le plaisir : ce que l’art imite plaît toujours ; plus loin, ce qui nous laisse parfaitement indifférent ou nous repousse dans le réel, se trouve rendu plaisant et intéressant par le biais de l’art.
« Imiter (mimesthaï) est naturel aux hommes et cette tendance se manifeste dès leur enfance (l’homme diffère des autres animaux en ce qu’il est très apte à l’imitation et c’est au moyen de celle-ci qu’il acquiert ses premières connaissances) ; d’autre part, tous les hommes prennent plaisir aux représentations mimétiques. Une preuve en est le fait suivant : des êtres dont l’originalité peine à la vue (par exemple les formes des animaux les plus vils et des cadavres), nous aimons à en contempler l’image exécutée avec la plus grande exactitude. La raison en est que le vif plaisir que le philosophe éprouve à apprendre est partagé, quoiqu’à un moindre degré, par tous les autres hommes.
On se plaît à la me des images parce qu’on apprend en les regardant et qu’on en déduit ce que représente chaque chose, par exemple parce qu’on identifie telle figure avec telle personne. »
Imiter et non pas copier
Si « l’art imite la nature », ainsi que l’enseigne Aristote dans sa Physique, son œuvre d’imitation n’est pas une simple copie. L’art ne consiste pas à reproduire la nature telle quelle, fidèlement, comme pour concurrencer son modèle. Il n’est pas un effort pour redoubler la réalité. L’art vise à« acheverce que la nature n’a pas pu mener à bien ». Ainsi, l’art réalise la nature en en compensant les éventuelles défaillances.
Là où Platon voit dans le travail de l’artiste une dégradation, une copie qui s’éloigne de la pureté de son modèle originel, Aristote voit dans la mimêsis l’opportunité de représenter et de magnifier ce que l’art imite. Comment cette magnification s’opère-t-elle ?
L’artiste surpasse la nature
Il s’agit pour l’artiste de dégager l’essentiel de ce qu’il imite, une forme doit apparaître distinctement par-delà la matière à laquelle elle est associée dans la nature. L’art figure ainsi le réel, il fait voir, il ne se contente pas de représenter, il présente et fait connaître. L’art possède ainsi une dimension pédagogique et cognitive. Pour ce faire, l’art isole un morceau de réel, et le propose à son spectateur sous une forme figurée. Il donne ainsi à voir ce que la nature ne met pas immédiatement en avant ou faillit à présenter distinctement. En cela, l’artiste la dépasse, voire la surpasse. L’artiste peut imiter de bien des manières selon Aristote, son champ de représentation est fort vaste : il peut représenter ce que les choses sont réellement, ce qu’elles semblent être ou encore ce qu’elles devraient être. Ainsi peut-il être aussi bien réaliste qu’idéaliste, et dans le dernier cas, son art transfigure le réel qu’il idéalise :
« Peut-être est-ce impossible qu’il y ait des hommes tels que Zeuxis les peignait, mais il les peint en mieux, car il faut que ce qui doit servir d’exemple l’emporte sur ce qui est. »
Vidéo : L’essence de l’art : L’imitation
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