La mesure moderne de l’espace noir
Le découpage de l’espace entre voirie et espace vert continuent de préoccuper les analystes des premières opérations de grands ensembles. Ils cherchent à en tirer des éléments de mesure, des solutions exemplaires et des principes généraux de conception, avec une apparence de rigueur technique. François Parfait, ingénieur des Ponts et Chaussées, haut responsable de la SCET, consacre ainsi plusieurs articles à la question dans la revue Urbanisme5. En 1955, il établit des comparaisons en utilisant différents indices : indices d’espace public (le terme est pourtant rare dans les discours courants de l’époque), de parc, de voirie, de chaussée de desserte, de parking, de trottoir. On voit que le détail s’attache à la décomposition de l’espace de la voirie, en le réduisant à ses différentes parties strictement utilitaires, tandis que l’espace vert forme plutôt un tout global et indifférencié.
La fin des années cinquante et les années soixante témoignent d’une intense recherche de normalisation, qui s’exprime par exemple dans les premières « grilles d’équipement » pour les ZUP récemment instituées6. L’antinomie espace vert-voirie demeure, chacune des catégories faisant l’objet de nouvelles précisons terminologiques :
- l’espace vert représente l’espace non bâti, se définit comme espace planté d’usage commun ; il se décomposera par la suite en catégories d’usage de plus en plus sophistiquées, notamment en ce qui concerne les espaces de jeux pour les enfants ;
- l’espace de la voirie se retrouve sous la dénomination parkings et voies publiques ; il comprend différents types de voies aux fonctions très hiérarchisées et fait partie des surfaces fonctionnelles d’un ensemble résidentiel.
présente comme un discours technique et objectif ne portant pas directement de jugements de valeur. Mais les notions de « rendement » qui sous-tendent les comparaisons et les objectifs ne sont pas neutres ; elles visent toujours à dégager une quantité maximale d’espace vert.
Les considérations d’ordre qualitatif, voire moral, se développent considérablement dans les années soixante-dix, mais les valeurs implicites restent les mêmes. En témoignent plusieurs études publiées par les Cahiers de l’IAURP pendant cette période, dont l’une analyse un grand nombre d’opérations de logements collectifs, les unes récentes, les autres plus anciennes7. Cette étude s’attache à dégager de nombreux critères dits « qualitatifs » dont il ressort que l’espace libre devrait répondre aux caractéristiques suivantes : économie de voirie et de stationnement, bien sûr, mais aussi soin des espaces visibles, espaces accessibles, visibles, continus, perceptibles, etc. On retrouve ici les arguments de l’urbanisme ouvert tels qu’ils étaient déjà bien établis dans les années trente. Avec de tels critères, le jugement porté sur les HBM de la porte de Champerret ou le quartier dela Plaine- Monceau à Paris est très défavorable…
On le voit, l’opposition entre espace vert et espace de la voirie est une constante dans la doctrine des ensembles modernes d’habitation. Cependant, la modernité a inventé ses propres instruments de mesure, et les indicateurs utilisés, tout comme les conceptions développées, sont en rupture avec la tradition. La vérification de l’hypothèse majeure de l’urbanisme moderne
- « moins de voirie, plus d’espace vert » n’a jamais été véritablement faite, notamment en prenant en compte la réalité
actuelle du stationnement automobile. Un véritable travail comparatif nécessite de redéfinir sérieusement le terme même de voirie, et ses limites par rapport à l’espace vert.
Vidéo : La mesure moderne de l’espace noir
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