La roseraie:un pôle d'activités,l'écoute des habitants
Tout autre est la situation du secteur deLa Roseraie. Cequartier, que nous avons décidé d’appeler ainsi à l’instar de quelques habitants en souvenir du « château dela Roseraie», folie bourgeoise démantelée il y a une dizaine d’années, est un ancien secteur horticole parcouru de canaux d’irrigation et de drainage. Il est partie prenante du Bas-Vernet-Ouest, appellation stigmatisante s’il en est.
Urbanisé à partir des années soixante-six, ce secteur de pavillons et d’immeubles collectifs est dominé par une concentration de 1 244 logements HLM où 32 % des résidents sont retraités, tandis que 65 % des ménages actifs vivent d’allocations diverses. Les chefs de ménages étrangers ne sont que 14 %, mais près de 50 % des enfants et adolescents sont d’origine étrangère. Ainsi, ce quartier, malgré son bon entretien et la qualité de ses espaces verts, jouit d’une mauvaise réputation qui trouve son fondement objectif dans le chômage et ses conséquences : misère, perte d’autorité parentale, drogue et délinquance. De plus,La Roseraie, qui n’expose qu’un emploi pour trente-quatre habitants, es: coupé du centre-ville au sud parla Têtainsi que du Vernet, au nord, par la pénétrante. L’équipement commercial y est dérisoire et ne comporte ni restaurant ni café.
Cet isolement et cette adversité valent à La Roseraied’être classée « zone franche » et éveillent, chez ses habitants, un mécontentement et une révolte que les militants associatifs et responsables municipaux s’attachent à « positiver » dans des actions de solidarité et d’appropriation de l’espace public, en sorte de développer un sentiment identitaire collectif. En effet, dans ce quartier au peuplement multi-ethnique, la « cohabitation »19 l’emporte sur la « coexistence » puisqu’aucun groupe ne s’y enferme en communauté. De ce fait, les mésententes relèvent plus de conflits interpersonnels de voisinage que d’une catégorisation raciale Cette catégorisation apparaît cependant chez des bandes de jeunes que le malaise social et le sentiment d’exclusion conduit à des comportements agressifs.
Chez les jeunes d’origine étrangère, plus touchés que d’autres par le chômage et victimes du « délit de faciès », domine un sentiment d’exclusion. Chez les résidents adultes et plus particulièrement d’origine française, domine un sentiment d’insécurité, renforcé par l’enclavement, qui pousse ceux qui le peuvent à déménager.
Pour contribuer à enrayer cette dégradation par une politique urbaine et un traitement de l’espace public, on retiendra deux propositions principales : l’une portant sur le désenclavemenr. l’autre sur la reconquête de la dignité.
On ne saurait escompter un véritable désenclavement d’une amélioration de la traversée piétonnière du pont Arago et moins encore d’un repentir de ceux qui ont conçu la pénétrante norc sans ménager la continuation du boulevard Desnoyès au cœur deLa Roseraie. Aussidoit-on envisager une autre façon de traiter l’enclavement qui consisterait à faire pénétrer « l’extérieur * dans le quartier. Il faudrait implanter des activités à la place du terrain de football qui pourrait être transféré sur les terrains agricoles en friche ou en passe de le devenir. Cette proposition, calibrée à5 000 mètres carrésd’hôtel industriel ou de bureaux (200 à 300 emplois) n’est pas incompatible avec la revendication d’y implanter une maison de jeunes et une salle polyvalente. Cette proposition, nécessitant la création ou la délocalisation d’emplois publics ou privés, devrait s’appuyer sur les avantages liés au statut de « zone franche ». Ses effets induits, outre le déverrouillage du centre que le stade bloque en direction ouest, seraient un redéploiement du commerce local et la création possible de cafés et restaurants.
Dans un quartier fortement marqué comme celui de La Roseraie, la reconquête d’une certaine dignité comme la construction d’un sentiment identitaire passe par des luttes pour l’expression et par la promotion de pratiques et oeuvres collectives hautement symboliques. La fresque réalisée il y a quelques années sur le pignon d’une HLM participe de cette démarche. Ici plus qu’en d’autres cas où l’assistance et le volontarisme municipal suffisent, l’initiative et la participation des habitants, comme conditions de l’appropriation du sens, est déterminante. « On peut douter que la tour murée, en carrelage blanc – travaillée – de Perrault aux Minguettes devienne autre chose qu’un stigmate supplémentaire pour les habitants du quartier (…). De telles opérations ne se décrètent pas : pour aboutir, elles nécessitent un travail d’appropriation par les publics. »20 Cette participation des habitants ne saurait être celle dont on use pour transformer quelques revendications en besoins codifiables ou faire intérioriser la pénurie. Elle doit prendre un autre élan, celui qu’évoque Henri Lefebvre avec « la ville comme œuvre » ou Salvador Juan à propos du « don », « une institution essentielle de la vie quotidienne — y compris la plus moderne. Si on pose que le potlatch peut se délester de ses attributs mythiques, religieux et magiques (aux sens traditionnels des concepts) on peut considérer que la joie de donner (d’être le meilleur, etc.) sont des sentiments courants dans les sociétés modernes. »21
Voulant rendre la parole aux habitants, le programmateur devrait-il se taire ? Ce serait méconnaître le processus historique de dépossession des « compétences habitantes » au profit de spécialistes. Ceux-ci se doivent d’effectuer un travail de restitution. Dans le quartier de La Roseraie, nous avons observé des pulsions et des potentialités et entendu le murmure d’une parole étouffée par la précarité des conditions de vie. Il nous appartient de rendre espoir et compétence en disant que ces choses dont il fut parlé sont possibles et que la régie de quartier est là pour y aider. Il s’agissait entre autres de :
- Dénoncer l’une des causes de l’enclavement du quartier en baptisant la rue sans nom du centre commercial « boulevard du docteur J. Desnoyès (prolongé) ». Si cet acte symbolique ne suffit pas à exorciser la colère, les talents de fresquiste peuvent être remobilisés pour peindre en trompe-l’œil, contre la pénétrante, le débouché de ce boulevard.
- Sacrifier à la mémoire des hortilloneurs en revalorisant l’agouille du Mouly-del-Pull entre la chapelle et le stade structurerait un espace de promenade et de repos face à l’antenne décentralisée des HLM.
- Prolonger cet axe, au long de l’agouille, jusqu’à la rue Clodion qui s’arrête sur un grillage. Au nord de l’école V. Duruy, sur des terrains qui ne coûteraient pas cher à louer ou acheter, il serait possible d’y créer des activités scolaires d’éveil et des lots de cultures maraîchères où s’affronteraient les savoirs du Roussillon à ceux des oasis. L’orgueil de ces affrontements, le plaisir de voir et de donner à voir pousser « sa production », participe du don et de l’échange social qui cimente et fait l’espace public. Mettre à disposition des jeunes de l’association « La théâtrette » un terrain actuellement en friche contre l’école pour y construire une scène, un mini-écran de cinéma et des gradins ; là, la musique et les bruits n’indisposeront pas les résidents.
Vidéo : La roseraie:un pôle d’activités,l’écoute des habitants
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La roseraie:un pôle d’activités,l’écoute des habitants
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