Les cathédrales Gothiques
En 1144 a lieu la consécration du chœur de l’abbatiale de Saint-Dénis, qui abrite les tombeaux des rois de France. L’abbé Suger, homme de grande autorité et conseiller des rois, en est le promoteur. Il a choisi l’architecte, resté anonyme. Mais la nouvelle abbatiale sera vite considérée comme 1111 prodige. La construction se développe en un double déambulatoire, avec sept chapelles rayonnantes. Sa grande nouveauté réside dans la légèreté des voûtes. Comment procède l’architecte pour régler le problème des poussées des voûtes, qui pesaient si lourdement et qui causèrent tant de souci aux bâtisseurs du XIe siècle ? Il porte à son terme la logique du système de la croisée d ogives utilisée dès la fin du XIe siècle en Angleterre (Durham) : elle permet de répartir les forces, non plus sur tout le mur, mais seulement aux quatre angles de chaque travée. Les poussées verticales sont reçues par les piliers, les poussées latérales sont contenues de 1 extérieur par des contreforts et des arcs-boutants, qui enjambent les toits des bas-côtés.
Sans doute l’architecte de Saint-Dénis fit-il preuve de trop d’audace, puisque la voûte dut être reconstruite vers 1250. Mais le procédé est mis au point et sera utilisé à travers toute l’Europe médiévale dès la fin du XIIe siècle. C’est un des systèmes de construction les plus inventifs qu’ait élaborés le génie humain. Ainsi naît, pour ainsi dire d’un seul coup, ce qu’on appellera plus tard l’architecture gothique, mot mal choisi, car cet art n’a rien à voir avec les peuples germaniques appelés Goths.
Joyeuse lumière
Un des grands avantages de ce nouvel art de bâtir est de dégager totalement les murs. Les voûtes, les piliers et les contreforts (avec les arcs-boutants, s’il le faut), dans un équilibre dynamique, constituent comme une immense armature qui tient par elle-même. Alors les murs, presque inutiles, peuvent faire place à de vastes fenêtres, et la lumière pénètre à îlots. Suger, qui raconte lui-même la construction de Saint-Denis, y voit une haute signification spirituelle : la contemplation de la lumière qui baigne I église doit conduire le fidèle à découvrir la « vraie lumière » de Dieu.
Dès lors, les architectes n’ont de cesse d’ouvrir des fenêtres de plus en plus vastes, d évider les murs, de les transformer en délicats réseaux de pierre percés de rosaces magnifiques, afin qu’ ainsi la lumière prenne possession de l’église. De ce point de vue, la Sainte-Chapelle, que fait construire Saint Louis de 1246 à 1248, fait preuve d une hardiesse rarement égalée.
De plus en plus haut
L innovation de Saint-Denis est vite comprise, tous les bâtisseurs la cherchaient. Dans toutes les villes de l’Ile-de-France, la fièvre de construire s’empare des évêques, du clergé et des habitants. En à peine un siècle sont entreprises des cathédrales de plus en plus grandioses, faisant usage du système de la croisée d’ogives et des jeux puissants de la lumière. Chaque cathédrale a ses caractères propres. Mais la plupart respectent l’organisation spatiale mise au point dès l’époque romane : un plan avec transept, un chœur avec déambulatoire et chapelles, un vaisseau central organisé sur trois niveaux – les grandes arcades, le triforium (petite galerie à triples baies) et les fenêtres hautes -, une façade majestueuse éclairée par le soleil couchant, de hautes tours qui dominent toute la ville. Nous devons oublier les hautes constructions modernes pour comprendre la prouesse technique des tours et sentir leur présence protectrice.
Mais un des enjeux les plus débattus est celui de l’élévation du vaisseau central. En Ile-de- France. les bâtisseurs rivalisent pour édifier des églises dont la hauteur est de plus en plus vertigineuse : 35 mètres à Notre-Dame de Paris (vers 1163), 32 mètres à la cathédrale île Chartres (1194), 33 mètres à celle de Reims (1211). Les records sont tenus par la cathédrale d’Amiens (1220-1269), avec 42,50 mètres, et le chœur de Beauvais (1235), avec 45 mètres. Mais en 1284. les hautes voûtes rie Beauvais s’écroulent : l’architecte aurait-il atteint les limites de la construction gothique ?
Rayonnement
Pendant plus de trois siècles, toute l’architecture religieuse fie l’Europe va vivre sur les acquis de ce siècle fantastique (1140-1240). Et comme les techniques ne posent plus guère de problème, les bâtisseurs insistent sur la virtuosité et le décor de plus en plus raffiné. Chaque pays adopte le style gothique, souvent très tôt : ainsi la cathédrale de Canter-bury, reconstruite à partir de 1176 par Guillaume de Sens, ou le chœur de la cathédrale de Cologne, commencé en 1248 par Maître Gérard sur le modèle d’Amiens. Mais chaque architecte prend soin de concevoir un édifice original où se mêlent, d’une part, la voûte d ogives et son jeu de forces et, d’autre part, le goût particulier de chaque pays.
Ainsi, les Anglais préfèrent les églises à chevet plat et les voûtes ramifiées. Les Allemands donnent à leurs églises un espace très particulier avec trois vaisseaux de même hauteur : c’est ce qu’ils appellent une église-halle. Les Espagnols apprécient aussi cette structure; comme les Italiens, ils aiment les vaisseaux uniques. Pour comprendre les innombrables et magnifiques facettes de l’architecture gothique, rien ne vaut de voyager et de visiter les églises, de les parcourir et de les regarder.
Vidéo : Les cathédrales Gothiques
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