Les espaces publics,en jeux d'un devenir collectif
Dans le vaste chantier aujourd’hui ouvert de la requalification des espaces publics, les villes reconstruites après la Seconde Guerre mondiale tiennent une place significative. En effet, leur modernité ne s est pas exprimée dans les tours et les barres comme dans les années soixante, mais dans des ensembles de dimension plus modeste, qui plus est en centre-ville. Même si l’on a parfois compris leurs ISAI comme les préfigurations des grands ensembles, une voie différente y est ouverte, d’une grande variété stylistique : il suffit de comparer la « ville nouvelle » que réalise Perret au Havre à la « reconstitution » de Saint-Malo par Brillaud et Arretche. Si d’aucuns, au premier rang desquels certains élus, cherchent encore à gommer cette part de l’histoire, il apparaît que les villes reconstruites recèlent des qualités urbaines parfois inégales mais indéniables, et que leurs espaces publics conjuguent requalifications physiques et symboliques.
Nous avons choisi de nous concentrer sur l’étude de deux d’entre elles, détruites toutes deux dans de vastes proportions (de 70 à 80 %) ; par-delà leurs différences, elles offrent assez de points de comparaison pour que l’on puisse saisir les procédures et les systèmes de conception qui présidèrent à leurs reconstructions. Brest et Dunkerque sont des exemples de vaste ampleur où s’exprima la doctrine naissante de l’urbanisme moderne : celle du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) créé en novembre 1944, qui marqua la prise en charge directe de ce secteur par l’Etat, même si certaines spécificités témoignent, localement, d’une part d’autonomie relative.
Mais notre comparaison ne s’arrête pas aux éléments d’une histoire simplement rétrospective, car les deux villes ont fait l’objet depuis une dizaine d’années d’ambitieuses opérations de réaménagement de leurs espaces publics. L’actualité de la réflexion se fait jour ici. Que faire des espaces publics aujourd’hui ? Pourquoi les urbanistes leur donnent-ils tant d’importance ? Quels sont les enjeux soulevés par ce qui, aux côtés des transports en commun, se présente comme l’un des rares leviers de l’urbanisme actuel ? Au laboratoire urbanistique que furent ces sites il y a cinquante ans répond aujourd’hui ce qui pourrait bien être un nouveau champ d’expérimentation. Le recours à l’histoire répond ici à un objectif : comprendre la nature particulière de ces espaces, leur philosophie d’origine, afin de saisir leurs qualités exactes et leur portée en tant qu’outils urbains. Car la variété de traitement des rues et des places témoigne d’un grand soin — très différent de celui fourni dans les villes reconstruites après la Première Guerre mondiale, ancrées dans la mémoire monumentale des morts, comme de celui des grands ensembles, où ces espaces ne participent plus de manière notable au processus d’engendrement des îlots. C’est dire aussi que l’urbanisme qui les prend pour objet se doit de prendre en considération ces éléments qui constituent son histoire, peut-être parce qu’ils ne sont rien d’autre que la matière même à présent retravaillée. Or ce travail ne relève pas du seul champ de la pratique. Après Anatole Kopp, la reconstruction a trouvé droit de cité et, avec elle, son inscription dans l’histoire urbaine. Désormais, l’urbaniste qui intervient sur une ville reconstruite dispose d’un important matériau historique.
Vidéo : Les espaces publics,en jeux d’un devenir collectif
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