Les performances de l’urbanisme moderne,la question du stationnement
Dans cette opposition de valeurs, les conceptions modernes se veulent avant tout efficaces, et n’hésitent pas à s’engager dans des démonstrations comparatives. L’hypothèse du Mouvement moderne est que l’urbanisme «ouvert», les «unités d’habitation» ou les « grands ensembles » offrent un meilleur rendement que la ville traditionnelle, son maillage et son découpage en îlots : moins d’emprise au sol des bâtiments bien sûr, mais également beaucoup moins de voirie pour beaucoup plus d’espace vert. Ainsi Maurice Rotival emploie-t-il dès 1935 le terme de « grand ensemble », avec comme modèle la cité de la Muettede Beaudouin et Lods à Drancy, pour l’opposer aux HBM de la ceinture de Paris,.
Ainsi Claude Le Cœur oppose-t-il, dans son étude pour une unité d’habitation dans le quartier Cronenbourg à Strasbourg 4, le lotissement de type cité-jardin au grand ensemble moderne.
La démonstration se veut évidente, par la force de schémas graphiques particulièrement habiles. Dans la pratique, chacun des indicateurs retenus est sujet à caution, et les modes de calcul sont tendancieux. Par exemple, l’indicateur de voirie est calculé en longueur (kilomètres) et non en surface ; le stationnement n’y est pas inclus. La réduction du nombre des croisements à l’intérieur du territoire étudié est présentée comme une fin en soi, sans considérer la concentration du trafic sur les croisements moins nombreux ni les échanges avec l’extérieur de l’unité d’habitation. Enfin, l’accent est mis sur les espaces libres collectifs, tandis que les jardins privatifs sont purement et simplement omis…
Dans ce raisonnement, l’espace libre se calcule par simple déduction de l’emprise du bâti et des voies (surfaces « noires », chaussées circulables uniquement) sur l’ensemble du terrain, sans aucune considération qualitative : il peut n’être que résiduel et étroitement dépendant de la voirie. L’époque ne prête encore guère attention au développement massif de l’automobile individuelle, qui se produira à brève échéance…
Ainsi encore Le Corbusier attire-t-il l’attention en 1959 sur les performances présumées de son unité d’habitation réalisée à Nantes- Rezé en 1955. Mais ses calculs sont pour le moins surprenants: on compte sur ses plans seulement 35 places de stationnement pour 294 logements ! Autant dire que le rapport entre le bâtiment et son terrain d’assiette n’a plus grande signification, et que l’aire d’influence de l’unité d’habitation s’étend à tout le quartier environnant, qui devra absorber ses besoins en stationnement.
On ne peut donc qu’être frappé par le défaut d’anticipation de tous les architectes de l’époque, Le Corbusier compris, par rapport aux besoins de l’automobile individuelle, en particulier en matière de stationnement. Il faut dire que l’évolution des normes ou prévisions est extraordinairement rapide :
– en 1952, on conseille 1 place de stationnement pour 4 logements ; cela correspond au taux moyen de motorisation atteint en 1955; en 1958, on prévoit 0,6 place par logement ; en 1962, la norme courante est de 1 place par logement ; en 1967, la norme moyenne s’établit à 1,5 place par logement, et se fixera à ce niveau dans les réglementations qui suivront.
L’Unité d’habitation de Nantes-Rezé est donc sur ce plan déjà en retard par rapport aux prévisions de l’époque. Celle de Firminy l’est encore davantage : réalisée en 1965, elle compte 180 places de parking pour 400 logements ! Il est vrai que les premières esquisses prévoyaient la réalisation d’un silo d’environ 540 garages, qui n’a jamais été réalisé.
Vidéo : Les performances de l’urbanisme moderne,la question du stationnement
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