Morphologie des beautés naturelles : Couleurs de l'eau
Les textes scientifiques décrivent l’eau comme un liquide transparent et sans saveur. Cette formulation, si juste soit-elle, ne s’applique pas néanmoins à la perception esthétique qui tire sa force de la sensibilité et de l’imagination. En outre, l’expérience créatrice de l’art nous apprend que l’eau a sa propre beauté irradiante, faite de lumières, de couleurs, de saveurs, de sons, mais aussi de parfums. On ne serait pas surpris si quelqu’un avait fait un véritable “éloge de l’eau’’, au XVTe ou au XVIIe siècle. L’eau appartient a la merveille des éléments, aux composants fondamentaux du monde physique que l’on peut voir en communion les uns avec les autres ou en lutte les uns contre les autres. Dans l’organisation du cosmos et dans son image symbolique à travers d’infinies analogies, l’eau est associée à l’hiver, à la lymphe vitale, à la combinaison de l’humide et du froid, à la couleur blanche et, dans ce cadre, elle inspire un tempérament flegmatique. Mais, en voulant abandonner les aspects de caractère proprement symbolique et alchimique, nous soulignons la différence physique de ses formes : vapeur, pluie, glace, neige, givre, rosée, etc., chacune portée par l’air, le vent ou la terre ; ou devenue source, ruisseau, fleuve, lac, marais, puits, mer. C’est toute une gamme de vibrations et de qualités qui est ainsi parcourue : l’eau claire, cristalline, fraîche, pure, mais aussi fangeuse, fétide, marécageuse, trouble, salée ou même effervescente, dure, aromatique. Toute une série d’images et de représentations liées au plaisir des jaillissements, éclaboussures, embruns, giclées, jets, tourbillons. Une infinité de descriptions, une infinité de sensations et d’impressions, si nous en con templons aussi l’action, du ridement à la surface de l’eau jusqu’au mouvement ondoyant. Chaque disposition singulière est une expression : les tourbillons offrent, avec leurs spirales d’écume, un mouvement d’agitation pour lame, les fleuves qui s’écoulent calmement nous renvoient l’image d’une vie régulière. L’imagination créatrice rencontre un règne de joie : près des sources habitent les génies de l’eau. En même temps et à côté de la présence morphologique, on retourne toujours, de toute façon, à l’étude des symboles : l’eau est bénite, l’eau guérit, l’eau purifie, etc., au milieu des apparitions de démons inoffensifs ou malins. On célèbre divers rites d’ablutions dans de nombreuses traditions. Il y a aussi une rhétorique alchimique du bain, avec la pierre philosophale conçue clans l’eau et engendrée dans l’air.