Nîmes: un projet,"cent" maitre d'ouvrage
A Nîmes, la situation opérationnelle du projet des architectes catalans est tout autre. Pourtant, en 1991, comme à Montpellier, les concepteurs avaient été commandités par l’autorité municipale,l’Agence d’urbanisme de Nîmes plus précisément (quoique sur la base d’une simple consultation au lieu d’un véritable concours) qui était animée d’une grande ambition en matière d’urbanisme, exprimée par son principe de Vlan d’ordonnancement à l’échelle de l’agglomération. C’est d’ailleurs bien plus qu’une « requalification » de voirie rapide qui fut ici demandé aux deux concepteurs, dont la réflexion et la réponse, rappelons- le, resteront exemplaires : une figure pour ainsi dire canonique du «projet urbain selon l’architecte», pariant résolument sur la force du construit.
Cette philosophie est le ciment de toute la proposition dont i’ambition était de faire de l’artère la colonne vertébrale d’un tissu remaillé et hiérarchisé, croissant géométriquement à partir de ses rives, et dont l’aménagement devait focaliser et dynamiser les pratiques urbaines ; d’où ce projet de voirie :rès volontaire, véritable programme de déclassement de la rocade existante, doublant son emprise initiale pour substituer à sa logique routière des années soixante (axe et giratoires) une logique d’espace public selon un art réactualisé du ijand boulevard, du gabarit, de la contre-allée, de l’arbre d’ornement, du trottoir, du carrefour, de la place, de la gestion du trafic par feux tricolores, etc. Mais à la différence de la situation montpelliéraine, ici la ville n’avait aucune prérogative sur l’emprise de la voie traitée ; c’est l’État qui en est le propriétaire et l’aménageur. Pas plus qu’elle n’avait de droits sur les terrains privés limitrophes où le projet empiétait notablement. Celui-ci n’était donc qu’hypothétique- ment l’anticipation d’un chantier. Porté par la ville, il n’était d’abord que l’instrument d’une entreprise de négociation. Une destinée dont, étonnamment, la complexité semble avoir surpris ses initiateurs. Car derrière un accord unanime de tous les acteurs sur l’intérêt du projet, il est vrai que les difficultés se sont rapidement amoncelées : négociation difficile avec les ingénieurs routiers sur les dérogations normatives induites par le projet (lorsque l’axe était déclaré excessivement « accidento- gène » et indispensable à la mobilité métropolitaine nîmoise) : nécessité de modifier les documents d’urbanisme (le plan d’occupation des sols et cinq plans d’aménagement de zone) ; gestion délicate des relations aux investisseurs immobiliers qu’il faut toujours « ménager » ; harmonisation difficile du financement de l’opération viaire, bien plus coûteuse qu’une rocade classique, lorsque la région et le département ne reconnaissent pas les suppléments urbains du projet routier comme relevant d’un intérêt régional et départemental… Mais comment pouvait-il en être autrement, dès lors qu’il s’agissait de la transformation d’un territoire où les forces décisionnelles sont multiples, où les cultures professionnelles et urbaines agissantes sont différentes — ce que Christian Devillers dénonce comme les « logiques sectorielles »mais qui n’est autre que la réalité urbaine contemporaine, grande copropriété faite d’occupants à la fois voisins et étrangers que l’on voudrait engager dans une œuvre collective, lorsque l’ambition politique n’est plus forcément mobilisatrice ? De toute évidence, dans ce cas d’école du projet urbain, canonique par les idées de ses concepteurs autant que par l’enchevêtrement des négociations qu’il impliquait, la ville, qui révise aujourd’hui ses ambitions, avait sous-estimé l’ampleur de sa tâche, l’extrême lourdeur du rôle de porteur d’un projet aussi cohérent et volontaire – lourdeur avant tout financière de par ses implications foncières. Le fait est que la mission des concepteurs, les indispensables «philosophes » du projet, n’a pas été prorogée, au détriment d’un projet d’espace public urbain qui demandait un long et patient suivi dans le temps. Certes, le projet n’est pas défunt ; il continue même d’avancer alors que les feux de l’actualité se sont éteints, et dans des conditions qui méritent attention. Il a pour ainsi dire changé de mains. Face au refus par la ville du déc sement de la voie, la DDE du Gard vient d’accepter de prendre à son compte l’emprise de 60 mètres projetée ; elle œuvrr pour son intégration dans les documents d’urbanisme et pousse les dossiers d’avant-projets sommaires de la voirie en troncons conformément à son programme de financements. Mais elle le fait selon des solutions « mixtes » entre ses normes routières régnantes et les tracés urbains des architectes. Le projet .r donc, moins porté finalement par la ville que par l’ingénierie routière elle-même, mais en l’absence de ses « philosophes rut l’on tient pour avoir accompli leur mission. Le directeur de la DDE du Gard, qui en a vu d’autres et qui prône aujourd’hui la « nouvelle approche de la voie » par ses services, déclare que la situation est « normalement conflictuelle » .
Vidéo : Nîmes: un projet, »cent » maitre d’ouvrage
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Nîmes: un projet, »cent » maitre d’ouvrage
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