Un discours centré sur l'œuvre: De qui est cette œuvre ?
Le public attend de l’historien d’art qu’il lui fournisse des informations bien précises sur l’œuvre d’art elle-même. Ce chapitre est consacré à l’analyse et à l’interprétation de l’œuvre considérée comme un inépuisable objet à interroger. La méthode adoptée par l’historien d’art doit lui permettre de donner des réponses relativement satisfaisantes aux questions formulées par son époque.
l’attribution d’une œuvre à son auteur
Avant qu’elle existe comme domaine d’étude, l’histoire de l’art était l’affaire des amateurs et des érudits. Au xvnf siècle, le problème de l’attribution était au centre de leurs préoccupations. Aujourd’hui, ce sont les experts qui interviennent pour donner leur avis sur l’authenticité d’une œuvre.
Le règne des connaisseurs (le connoisseurship)
Leur connaissance vient d’une expérience personnelle doublée d’intuition qui se fonde sur une observation attentive des aspects formels. Avec Roger de Piles et André Félibien commence en France le règne des connaisseurs. La réflexion sur l’art devient un fait public. Les débats jusqu’alors limités aux ateliers et aux académies envahissent les salons. L’art est objet de discussion et
cela ne se fait pas sans passion. Apparaît la nécessité d’ouvrages propres à guider chacun dans son jugement. Dans le domaine artistique, la seconde moitié du xvii’ siècle est animée par deux « querelles » : celle qui oppose les Anciens et les Modernes — Charles Perrault se fera le défenseur de ces derniers dans son fameux Parallèle — et celle qui voit s’affronter les tenants du dessin — les poussinistes— aux partisans du coloris — les rubenistes. André Félibien sera le champion des premiers, Roger de Piles des seconds. Son Cours de peinture par principe (1708) se termine par une évaluation : la « balance des peintres ». « J’ai fait cet essai plutôt pour me divertir que pour attirer les autres dans mon sentiment. Les jugements sont trop différents sur cette matière pour croire qu’on ait tout seul raison. » Mais ce divertissement n’est pas sans enjeux. Il repose sur une possible division de la peinture en « parties » : la composition, le dessin, le coloris et l’expression — « qui est la pensée du cœur humain ». Les peintres sont notés sur chacune de ces parties, et il ne vient pas à l’idée de Roger de Piles de faire une moyenne, et encore moins un classement. L’évaluation n’a pour but que de faire apparaître, parmi les peintres les plus connus, les parties dans lesquelles ils ont excellé et celles où ils se sont montrés plus faibles. L’intérêt théorique de cette « balance » réside dans l’idée qu’une œuvre peut être analysée, c’est-à-dire décomposée en éléments simples sur lesquels se porte le jugement. Et Roger de Piles en conclut la présentation par ces mots : « […] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connaissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage et des raisons qui en font un bon tout. »
L’Angleterre crée au xvm siècle le mot de connoisseur pour désigner l’éru- dit qui s’est formé directement au contact des productions artistiques, grâce à la fréquentation des musées, en opposition au professionnel, qui est celui qui pratique un art.
On ne craint pas, au xvme siècle, de se fier à son sentiment personnel pour evaluer les œuvres. L’abbé Du Bos peut écrire : « Un ouvrage peut être mauvais sans qu’il y ait des fautes contre les règles, comme un ouvrage plein de fautes contre les règles peut être un ouvrage excellent » (Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 1719).
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