Un nouveau type d'espace urbain
À côté des rues, des mails, des avenues et des boulevards, la dalle constitue un nouveau type d’espace urbain, dont on voudrait signaler ici les caractéristiques. Elle illustre aussi une nouvelle manière d’envisager les relations entre ville et architecture.
Les opérations sur dalles représentent, au tournant des années soixante, une réponse idéale à toutes les questions que nous avons évoquées plus haut. Edgar Pisani l’explique lors de la présentation en avril 1959 de l’opération Maine-Montparnasse, dont il est un des principaux initiateurs19 : « Le projet se présente comme une grande esplanade dégagée du sol en-dessous de laquelle sont rassemblés tous les éléments du programme qui ont trait à la circulation, à la rencontre des hommes, au commerce, au-dessus de laquelle se dresse cinq immeubles de grande ou de très grande altitude chacun affecté à un usage déterminé. Au-dessous tout ce qui est complexe, contrasté, difficile, au-dessus tout ce qui est homogène. (…) Formes géométriques parfaites et diaphanes dont l’immeuble de l’ONU à New York est un des meilleurs exemples. »
Par son caractère radical et ambitieux, la construction de dalles permet de disposer d’un nouveau socle, au sens physique et symbolique du terme, pour la construction de quartiers nouveaux. Socle sous lequel toute la complexité des infrastructures, les formes organiques nécessaires à la circulation idéale des fluides et des véhicules sont cachées, séparées du monde radieux, géométrique et aérien où vont travailler et vivre les hommes. Sur ce socle impeccable, on peut alors disposer les logements et bureaux selon la meilleure organisation possible. Ce socle assure, en outre, la jonction entre les différents réseaux qui peuvent se déployer selon leur logique propre. À ce titre, la conception de la gare de La Défense comme un « échangeur pour piétons » illustre le mode de conception des déplacements des piétons dans la dalle. En surface au contraire, les déplacements sont libres et aléatoires.
Pour tenter de caractériser l’urbanisme de dalle, nous avons étudié deux exemples, La Défense et Maine-Montparnasse. À travers l’histoire de ces deux opérations, on voit se réaliser progressivement le projet de la dalle à La Défense et son abandon à Maine-Montparnasse. Les contraintes techniques semblent tout d’abord déterminantes. Michel Camelot fait observer que les études de conception de la dalle centrale de La Défense et de ses jardins ont été liées en grande partie à des contraintes résultant des circulations routières et de la création de parkings sous la dalle20. Cette dernière entraîne la réalisation en sous-sol de vastes surfaces non éclairées naturellement, qui vont être utilisées pour construire des parkings, puis des espaces commerciaux. En surface, la dalle de La Défense se décompose en plusieurs lieux qu’il reste à définir. Avant d’aller plus loin, il nous faut tout d’abord évoquer les origines du projet.
Le site de La Défense, qui comprend au début des années cinquante quelques vieilles usines et de petits pavillons, offre une relative liberté à ses aménageurs21. Pourtant, au début de l’opération, le projet est relativement traditionnel. Dans le droit-fil des percements d’avenues qui caractérisent l’urbanisme parisien, ses promoteurs envisagent une opération de construction le long d’une nouvelle voie reliant Paris à la forêt de Saint-Germain-en- Laye. A la différence des grands travaux haussmanniens, les immeubles bordant la voie doivent être des barres isolées et non des bâtiments mitoyens. Progressivement, au cours des études, la dalle va apparaître, qui permet de relier les immeubles au- dessus de la voie centrale de grande circulation en évitant ses nuisances. Elle va se constituer à partir d’un plan de masse de Camelot, De Mailly, Zerhfuss qui détermine la position des immeubles. Sa structure distingue trois niveaux principaux. Le premier est réservé au métro, le deuxième aux véhicules en transit, le troisième est accessible aux taxis et camions de livraisons. Ces différentes strates communiquent ou non avec le boulevard de desserte automobile, le circulaire, et avec des parkings. La dernière strate donne accès à des halls souterrains desservant directement certaines tours de bureaux. La dalle suit par paliers la pente du terrain qui monte de la Seine vers la banlieue à l’ouest, ce qui complexifie encore son organisation intérieure. Des escaliers et des couloirs souterrains constituent par ailleurs un parcours piétons en sous-sol qui double par endroit la circulation des piétons à l’air libre.
En surface, la dalle couvre trente-six hectares, dont huit hectares et demi pour la dalle centrale. L’aménagement de celle-ci a été confié à un bureau d’études en paysage, Kiley & Partners, qui a proposé la triple rangée de platanes plantés dans des bacs à terre végétale d’une profondeur de deux mètres. Différents lieux sont distingués. Ainsi, le long du mail, on trouve des espaces de repos aménagés avec des bancs qui alternent avec des espaces dégagés sans plantation. Des oeuvres d’art y sont disposées. La succession des événements et des ambiances organisent des paysages qui, selon l’aménageur, répondent à des préoccupations locales ou plus générales. Par exemple, rien ne doit boucher la perspective sur la place de l’Étoile.
Vidéo : Un nouveau type d’espace urbain
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Un nouveau type d’espace urbain
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