L'art du paysage : La conscience et la sensibilité
Notre vue modifie la conscience et la sensibilité selon les normes du goût : nous restons toujours les protagonistes dans la réception et la qualification esthétique, même lorsque nous nous trouvons dans les forêts les plus inviolées. Ce que nous observons est le produit indubitable du sentiment et de l’organisation humaine des choses. Nous sommes les artistes de la vision qui apparaît devant nous. Depuis les origines de notre civilisation, le paysage est lié aux images créées par la peinture, aux descriptions fournies par la littérature, aux théories élaborées par la philosophie. Et la mémoire informe aussi bien nos sens que toutes les projections artistiques et culturelles.
La vue d’un beau paysage nous fascine depuis toujours. Mais c’est le jugement que nous portons sur lui qui change, tout comme le langage que nous utilisons pour le décrire. Exprimer notre admiration pour certains lieux signifie proposer un certain niveau d’interprétations affectives, un certain degré d émotions qui, même soigneusement passées au crible de discussions élaborées en matière de goût, ont traversé les époques et les divers mondes de l’art et de la culture. Définir un paysage veut dire affronter l’épreuve de l’évaluation esthétique selon les paramètres de la mémoire historique, collective, individuelle. Toute réflexion sur le paysage cèle une relation entre la réalité des lieux et les déterminations offertes par les catégories esthétiques qui, en se référant aux choses, se présentent sous forme de théorie paysagère. Les paysages réels, du fait précisément qu’ils sont jugés, sont les expressions pratiques de ces théories.
Nous sommes complètement absorbés par ce qui apparaît devant nous, une fois disparue l’illusion d’une spontanéité vivante et objective de la nature. L’illusion, quand on l’explique, est le produit de prodiges baroques, de merveilles rococo. File appartient au règne du style, là où l’excès est maître.