Les mouvement dans la peinture : Supports-Surfaces
CONTEXTE
Vincent Bioulès propose en 1970 le vocable Supports-Surfaces qui signifie d’un côté le châssis (le support de la toile) et de l’autre la toile (la surface). Le mouvement regroupe à ses débuts des artistes originaires du sud de la France, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat (actif dès 1966). Ils manifestent leur hostilité à l’abstraction américaine (-» EXPRESSIONNISME ABSTRAIT). Ils présentent ensemble leurs expériences dans leur première exposition à l’A.R.C. (Animation, Recherche, Confrontation) du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, en 1969, à l’invitation de Pierre Gaudibert. Plus tard, ils exposent hors les murs des musées, principalement dans la nature. En 1971 le groupe s’agrandit. Cependant, des dissensions idéologiques surgissent et débouchent sur la scission du groupe. Les uns inscrivent leur activité plastique dans une réflexion politique marxiste : « (…) La lutte nationale et internationale de libération des peuples au niveau de cette pratique spécifique qu’est la peinture ne peut exister que par l’élimination systématique de toutes pratiques subjectives » (Louis Cane, Marc Devade et Daniel Dezeuze, le 23 septembre 1970). Ils fondent la revue Peinture-Cahiers théoriques à laquelle participent les écrivains Philippe Sollers et Marcellin Pleynet, proches de la pensée de Mao Tsé-toung et du Petit Livre rouge. Ils privilégient le travail manuel et exposent sur les plages et sur les lieux de travail (Installations aux champs). Les autres artistes privilégient la pratique seule, les composants les plus élémentaires. Les recherches de Supports-Surfaces, proches de celles de B.M.P.T., portent sur la convention du tableau, sa matérialité, sa « déconstruction », sur les techniques .artisanales et les instruments primitifs. Ils remettent en question les moyens picturaux traditionnels et le support lui-même.
Supports-Surfaces dénonce les sommes colossales atteintes par les œuvres de Picasso et établissent le prix des œuvres comme pour un objet usuel : « Achat du drap (…) 30 F/ travail manuel (…) 240 F/ travail intellectuel (…) 100 F / TVA 20 % (…) » Enfin, ils veulent montrer ce qui a toujours été caché dans le travail du peintre : le traitement de la toile, la réaction des couleurs, en un mot le travail artisanal préparatoire nécessaire à la réalisation d’une œuvre. Ce mouvement domine l’actualité artistique française des années soixante et participe à la diffusion de l’avant-garde en province et dans les écoles d’art.
CARACTERISTIQUES
Supports-Surfaces affectionne les très grands formats pour capter le regard du spectateur. Support (châssis) et surface (toile) constituent la base des œuvres. Dezeuze « peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile » (Viallat). De nombreux outils sont utilisés : tampons, pochoirs, éponges, pistolets, ciseaux, bâtons… La peinture à l’huile, l’acrylique, l’encre fluide, une peinture plus ou moins diluée à la térébenthine imprègnent leurs pinceaux. Le sujet étant évacué, la peinture est neutre. Ils peignent des motifs répétitifs, des aplats de couleurs aux formes aléatoires. Ils découpent, tressent, plient, froissent…
La couleur déborde la structure figée de la toile traditionnelle pour atteindre le cadre et casse ainsi le rapport classique support-surface. Les œuvres bicolores ou monochromes sont nettes ou auréolées selon l’épaisseur de la toile écrue et selon la planéité du sol sur lequel elles sont posées pour être peintes au pinceau ou vaporisées au pistolet. Le pistolet permet de subtils dégradés de couleurs. Souvent, la toile est teinte plutôt que peinte, la couleur l’imprègne, la traverse. La peinture met au jour la structure, le châssis et les claies.
ARTISTES
Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat créent Supports-Surfaces. En 1971 se joignent à eux François Arnal, Louis Cane, Noël Dolla, le sculpteur Toni Grand et Jean-Pierre Pincemin.
Daniel Dezeuze
(né en 1942) expose de simples châssis sans toile ou des claies passées au brou de noix. Il travaille sur les vides et les pleins, la transparence et la fragilité. Il choisit alternativement de très grands formats ou de très petits formats pour que L’« impossibilité soit faite au regard de faire prise » dit-il.
Patrick Saytour
(né en 1935) dont les toiles atteignent jusqu’à 30 mètres de long, parle de « surfaces démesurées et illisibles globalement ». Il expérimente des brûlures sur tissus plastifiés, des pliages sur toiles cirées et enroule des bandes de toile autour de lattes de même longueur.
André Valensi
(né en 1947) badigeonne de brun deux carrés de drap pliés et superposés. Sur le premier la couleur est plus dense que sur le second. Il prélève un petit carré de l’un pour l’appliquer au centre de l’autre. Le drap peint directement est considéré comme l’endroit et le second peint par imprégnation serait l’envers. Il découpe aussi des formes de cartons ondulés enroulés autour d’une corde.
Claude Viallat
(né en 1936) observe le comportement des couleurs sur ses toiles bicolores non tendues, sans châssis, sur des quadrillages de sangles de jute non tendues, sur châssis, sur les filets et cordes à nœuds trempés dans le goudron où la couleur. Il adopte le principe de répétition d’une forme proche d’un haricot blanc géant, empreinte répétée en positif ou en négatif, réalisée à l’aide d’un tampon ou d’un pochoir.
Louis Cane
(né en 1943) utilise des toiles pliées sans châssis qu’il tamponne d’inscriptions ou de couleurs : monochromes bleus « sol-mur » ou toile frappée en toute part de son nom.
Jean-Pierre Pincemin
(né en 1944) élimine le pinceau « qui relie le sujet- peintre à la toile ». Il se sert de vieilles planches ou de grilles pour appliquer des empreintes de couleurs sur la toile. Ses « carrés collés » nombreux et semblables, trempés dans un bain de couleurs forment une composition.
Vincent Bioulès
(né en 1938) et Marc Devade (1943-1983) peignent des couleurs en aplats sur des toiles tendues sur châssis qu’ils partagent selon des plans géométriques simples. Tous deux privilégient la couleur au support et à la surface. Bioulès colle des rubans de papier sur sa toile, applique la couleur puis arrache l’adhésif, ce qui produit un dessin aléatoire bi-chrome. Devade pose une encre, très fluide sur la toile qu’il laisse s’épandre en soulevant légèrement la toile, verticalement et de gauche à droite.
François Rouan
(né en 1943) travaille seul mais participe aux expositions de Supports-Surfaces. Il tresse des lanières de papier découpé gouaché, découpe et entrelace des toiles imprégnées de couleurs.
Pierre Buraglio
(né en 1939) expose dans les années soixante-dix des châssis en bois et des fragments de fenêtres teintés de bleu et peints sut chutes de ruban de masquage.
OEUVRES
Louis Cane artiste peintre
Cane, 1968, collection particulière.
Répétition
Viallat, 1969, galerie Jean Fournier, Paris.
Châssis plastique tendu
Dezeuze, 1967, Musée national d’Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris.
Vidéo : Les mouvement dans la peinture : Supports-Surfaces
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