L'Art : l'estampe japonaise
Le modèle chinois
En 1602, l’installation du gouvernement à Edo, l’actuelle Tôkyô, marque la fin des guerres incessantes entre les seigneurs, et le début d’une longue période de paix. La population s’accroît et se concentre dans les villes en plein essor. Une nouvelle classe sociale, formée d’artisans et de commerçants, s’impose face aux samouraïs, la riche et puissante caste des militaires. À cette époque, ils sont les seuls à pouvoir embellir leurs châteaux et à commander des paravents à fond d’or ou des panneaux de bois décorés. Les marchands fortunés, eux, peuvent accéder à l’art grâce à l’estampe, qui permet de reproduire une œuvre en plusieurs exemplaires et donc d’en diminuer le prix. L’estampe devient alors lui art populaire. D’abord utilisée pour illustrer des livres, elle acquiert son autonomie grâce au peintre Moronobu, qui, vers 1660, publie des illustrations sous forme de feuillets détachés, indépendants et sans texte, sur lesquelles il ajoute sa signature.
La fabrication d’une estampe
Depuis leur introduction par les Chinois, les techniques de l’imprimerie n’ont cessé de s’améliorer. Quatre personnes interviennent dans la fabrication. En premier, l’éditeur choisit le sujet, puis le peintre remet son dessin, exécuté à l’encre de Chine sur un fin papier de mûrier. Celui-ci est encollé sur une planche de cerisier, et le graveur creuse la planche à l’aide de burins, pour faire apparaître le dessin en relief. Après avoir enduit d’encre cette partie, l’imprimeur place le papier de l’estampe sur la planche, puis presse l’envers avec un tampon de chanvre ; il obtient une première épreuve en noir et blanc. Le peintre ajoute alors les couleurs à la main, Autour des années 1760, sous l’impulsion du maître Harunobu, apparaît l’estampe en couleurs : les graveurs fabriquent autant de planches qu’il y a de couleurs. Celles-ci sont imprimées sur la même feuille, les unes après les- autres, grâce à un système de repérage très précis. Une estampe très élaborée peut nécessiter plus de dix planches. La palette de Teintes éclatantes ainsi obtenue est comparée i un brocart, riche tissu de soie broché de fils d’or et d’argent et rehaussé de dessins.
Peindre le « monde flottant »
La classe marchande mène une vie frivole et raffinée, dans un monde de plaisirs éphémère, libre de tout souci : c’est le « monde flottant » (en japonais, ukiyo-e), décrit dans les estampes et les peintures à partir du XVII siècle. Les artistes représentent en priorité le monde du théâtre, la vie des quartiers de plaisir et l’univers des voyages.
Les acteurs du théâtre populaire, le kabuki, inspirent particulièrement les peintres. D un trait vigoureux, égayé de couleurs vives, ils racontent la vie des acteurs sur scène ou dans les coulisses, la splendeur des costumes et l’intensité du drame qui se joue sur scène. Shakui se distingue, en 1794, par ses portraits d’acteurs aux visages grimaçants, proches de la caricature, qui se détachent sur des fonds sombres.
Les courtisanes d’Edo fournissent de nombreux sujets aux artistes. Les estampes érotiques sont très appréciées de même que les gravures de mode. Les coiffures, les vêtements varient selon les heures et les saisons ; tour à tour surprises à leur toilette, jouant de la musique, lisant un poème, ces belles dames reflètent le style de chaque artiste. Aux majestueuses silhouettes des débuts succèdent les frêles beautés d Harunobu, puis les portraits d’UTAMARO, qui sont parmi les plus belles représentations féminines de l’estampe japonaise.
Le sentiment de la nature
Peindre le « monde flottant », c’est aussi capter le passage du temps, exprimer le sentiment profondément japonais de la nature. Les estampes du Nouvel An sont de délicates natures mortes; à l’automne, on évoque la promenade sous les érables rouges ; au printemps, la fête des cerisiers en fleur.
Deux amoureux du paysage, Hokusai et Hiroshice, en renouvellent l’art. Le premier publie en 1823 ce qu’il considère comme son chef-d’œuvre, la série des « Trente-Six Vues du Fuji », la montagne sacrée, aux couleurs et à la composition audacieuse. Au génie fougueux d’ Hokusai, Hiroshice préfère un style délicat, sensible à la luminosité de la campagne japonaise, et publie à son tour les « Cinquante- Trois Stations sur la route de Tokaido », où, par tous les temps, des voyageurs cheminent.
Vidéo : l’estampe japonaise
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : l’estampe japonaise