Textile:
Qu’est-ce qu’un textile?
le mot lui-même vient du verbe latin texere, qui signifie « tisser », « tresser » ou « construire ». C’est un terme d’usage assez souple ; Tite-Live parle ainsi de « huttes faites de roseaux », casae ex arundine textae. En fait, qu’il s’agisse d’un panier, d’une couverture ou d’une hutte à clayonnages enduits de torchis, les techniques mises en œuvre présentent plusieurs points communs. Par conséquent, plutôt que de nous conformer à des paramètres conventionnels toujours arbitraires, nous avons préféré faire nos choix en fonction de notre interprétation, et surtout de ce qui permettait une meilleure compréhension d’ensemble du sujet.
L’histoire des textiles:
composés de matériaux périssables, les textiles ne peuvent survivre aux siècles que lorsqu’ils sont préservés dans des circonstances exceptionnelles ainsi les feutres découverts à Noin Ula, en Mongolie, datant du ive siècle avant J.-C., protégés par un sol gelé en permanence. On citera également les tissus des tombes précolombiennes, conservés grâce à l’air sec de la côte péruvienne. On a toutefois tiré beaucoup d’enseignement des sources écrites ou des sculptures et objets d’autrefois. Les tombes égyptiennes sont ainsi ornées de peintures montrant le filage et le tissage du lin, tandis que Homère raconte dans L’Odyssée comment Pénélope, l’épouse d’Ulysse, échappa à des prétendants trop empressés en feignant de tisser un linceul pour son beau-père Laërte-scène représentée sur un vase datant du v’ siècle avant J.-C. Ce qu’on sait de l’évolution des textiles est donc un ensemble de déductions et de conjectures plus qu’un faisceau de preuves solides. Pour autant, les découvertes archéologiques indiquent que, très tôt, les hommes atteignirent un niveau d’habileté et de raffinement étonnamment élevé.
Les premiers textiles:
Se protéger des éléments est l’un des besoins les plus élémentaires de l’homme. Les premiers chasseurs utilisaient les peaux des animaux qu’ils avaient tués. Les fouilles entreprises sur les sites néolithiques montrent que des outils servaient à les racler, avant qu’elles ne soient cousues à l’aide d’aiguilles d’os. Les plus prestigieuses étaient sans doute celles d’animaux rares ou dangereux, que portaient les audacieux qui les avaient abattus. Dans bien des régions nordiques, ainsi au Canada chez les Inuit, on préfère encore se vêtir de peaux, dans la mesure où on n’a jamais trouvé de meilleur moyen de se protéger du froid et de l’humidité.
Sous les Tropiques ainsi à Fidji, Samoa ou dans le centre de l’Afrique, le cuir est remplacé par l’écorce de certains arbres, battue jusqu’à ce qu’elle soit souple et douce.
Certaines communautés pastorales ont également découvert un matériau comparable, le feutre, en s’inspirant de la toison de leurs chèvres et de leurs moutons.
La fabrication des paniers se faisant de plus en plus raffinée, elle inspira l’utilisation d’un nombre énorme de fibres végétales ou animales pour confectionner des tissus.
L’expérience accumulée des générations précéder tes provoqua également l’évolution des techniques permit d’obtenir des filés de laine, de lin, de coton ou de soie.
L’apparition de fils de qualité, de nombreuses expériences sur leur usage, eurent pour conséquence la création d’une structure fondamentale : les fils de chaîne sont tendus,
tandis que des fils de trame y sont laborieusement insérés à la main. C’est à partir de là qu’apparut le métier à tisser avec l’invention de la lice, dispositif qui rend le tissage plus simple et plus rapide en soulevant en même temps, mais alternativement, différents fils de chaîne, entre lesquels les fils de trame sont glissés.
L’ornementation des textiles:
c’est là un domaine qui a suivi plusieurs voies indépendantes. L’une est issue des textures produites par le procédé de fabrication lui-même et l’effet des variations de couleur – bandes, barres ou carreaux. Débuts modestes, mais qui permirent aux tisserands de parvenir à des formes aussi élaborées que les tapisseries ou les brocarts.
Orner la surface d’un tissu constitue une autre méthode, sans doute inspirée des peintures et des tatouages corporels, puisque reprenant les mêmes pigments et les mêmes teintures ; on finit par en arriver à l’extrême raffinement du batik, de l’ikat et de l’impression multicolore.
La découpe du tissu, la nécessité d’en utiliser le moindre fragment, les talents de couturier nécessaires à la création d’applications, de couvertures piquées et de patchworks, se firent de plus en plus complexes, tandis que les possibilités décoratives des coutures elles-mêmes donnaient naissance à l’art raffiné de la broderie.
Le fil du récit:
l’histoire des textiles est chargée de légendes magiques et romanesques comme de récits d’espionnage industriel. Les dieux eux-mêmes furent les plus grands pratiquants de cet art. Athéna, déesse de la sagesse, fut ainsi défiée par l’arrogante Arachné qui, bien entendu, perdit : son adversaire la punit en la transformant en araignée condamnée à tisser sa toile pour l’éternité. En Scandinavie, on racontait aux enfants que les étoiles qui forment ce que nous appelons « ceinture d’Orion » étaient en fait la quenouille avec lequel Frigga, l’épouse d’Odin, tissait les nuages.
Pénélope n’est pas la seule tisserande dont les talents aient bouleversé le destin. Vassilissa la Belle, jeune paysanne russe, finit par épouser le tsar, impressionné par ses dons de brodeuse ; et plus d’une princesse ou d’une paresseuse n’a dû qu’à l’aide d’un gobelin tel que Rumpelstiltskin de pouvoir tisser de prodigieuses quantités de fil, parfois de paille, qui se transformaient en or.
La légende veut que le secret de la soie ait quitté clandestinement la Chine caché dans l’opulente chevelure d’une princesse, tandis qu’au XVI siècle, le savoir des tisserands flamands fut surpris par un cambrioleur anglais qui n’hésita pas à grimper sur le toit d’une filature de Bruges.
Les textiles traditionnels:
Recourir à un matériau particulier a provoqué des spécialisations locales dans le cadre d’une technique spécifique. Sous l’influence des valeurs sociales, du climat, des styles de vie, se développent des caractéristiques traditionnelles très nettes dans les tissus produits par telle ou telle communauté. Un tissu de raphia zaïrois ne rassemble guère à un sari à brocart de Bénarés, en Inde, bien que chacun incarne à la perfection la culture dont il est issu. La tradition n’est pas statique, mais vivante : elle évolue peu à peu sous l’effet des contacts avec l’extérieur, de la prospérité ou du déclin d’une communauté. Au sein de celle-ci, qu’elle soit urbaine ou rurale, le sentiment d’identité et d’appartenance est marqué par les vêtements que portent les gens, les textiles qu’ils fabriquent : loin d’être écrasante, la tradition représente un ensemble de fondations sur lesquelles une imagination fertile peut bâtir. C’est un cadre qui permet d’exhiber sa richesse ou son statut social, par l’usage de matériaux coûteux comme la soie, le fil métallique, ou le recours à des procédés de tissage ou de broderie exigeant beaucoup de temps, tels ceux des tuniques « à huit couteaux » portées par les hommes chez les Yoruba du Nigéria. Cela peut indiquer le statut marital, ainsi dans les Andes où les bonnets des célibataires portent des motifs les signalant aux femmes en quête de maris. Dans le monde entier, une bonne part de l’enfance d’une jeune fille était consacrée à se préparer un trousseau, en vue du jour où, mariée, elle serait enfin maîtresse chez elle et entamerait une vie nouvelle.
Dans bien des endroits, et quelle que soit la religion dominante, les vêtements sont ornés de motifs magiques destinés à protéger celui ou celle qui les porte des esprits mauvais ou des accidents, à lui porter chance ou à lui valoir la protection des puissances surnaturelles. Le désir d’ostentation, et l’amour de la beauté, font qu’on peut consacrer beaucoup de temps et d’argent aux textiles. Le plus bel exemple en est celui des femmes du Cujarat, en Inde, et du Sind, au Pakistan, qui brodent amoureusement pour leurs enfants d’extraordinaires vestes à miroir représentant sans doute un moyen d’expression aux capacités d’innovation exceptionnelles.
On peut aller jusqu’à dire que la création d’objets traditionnels « à la main » leur donne un sentiment d’identité et d’appartenance dont le monde dépersonnalisé de la production de
masse est trop souvent dépourvu. Les communautés croissent et changent ; ce n’est qu’à leur disparition, quand leur mode de vie cesse d’être viable, que leurs traditions disparaissent. Dans le passé, on a ainsi assisté à bien des efforts pour asservir tel ou tel groupe culturel en lui interdisant de porter ses costumes traditionnels. C’est ce qui se passa en 1746 après la défaite de l’armée jacobite à Culloden ; une loi du Parlement anglais proscrivit l’usage du tartan écossais, tout contrevenant s’exposant à sept ans de déportation. Dans les années vingt, Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, réprima pareillement le port du fez, afin de faire entrer son pays dans un âge nouveau. Pendant la Révolution culturelle déclenchée en 1966, les autorités chinoises interdirent aux minorités ethniques – ainsi les Tibétains – de porter leurs costumes traditionnels. Aujourd’hui encore, cependant, de nombreuses communautés du monde entier conservent les leurs, symboles vivants de leur identité culturelle.
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