L’ordinateur et le Computer Art
On ne peut rendre justice en quelques pages à l’influence grandissante de l’ordinateur sur les artistes, jusqu’à avoir créé un domaine à part entière, l’Art sur ordinateur (Computer Art). C’est avec l’avènement des ordinateurs qu’est née la notion d’Art sur ordinateur, et les pionniers on lit matière furent John Whitney (né en 1917) en Californie, Ken Knowlton aux Laboratoires Bell, Lillian Schwartz à New York (qui rejoignit plus tard les Laboratoires Bell) et Herbert Franke en Allemagne. Les ordinateurs furent utilisés de deux manières :
- d’une part, pour engendrer des courbes, des surfaces et des volumes aux équations mathématiques extrême ment complexes, et pour associer, dans ces constructions mathématiques, des couleurs différentes aux différentes valeurs numériques ; nous y reviendrons ;
- d’autre part, pour construire de véritables « images de synthèse ». Ce procédé de construction comporte deux étapes principales. Dans un premier temps, les objets qui serviront à créer l’image finale sont modélisés à partir de volumes élémentaires simples tels que la sphère, le cube ou le cylindre, grâce à un logiciel de modélisation. L’ordinateur construit ensuite chaque objet (ou plutôt son image sur l’écran) grâce à des logiciels de visualisation qui permettent de simuler divers types de matériaux, tels que le bois, la pierre, le marbre, des irrégularités dans les trois dimensions — que l’on nomme bump-mapping — la transparence, La réflectance (qui donne à l’objet un aspect brillant ou au contraire opaque) ou même les ombres et des variations d’éclairage.
Les possibilités offertes par les images de synthèse sont tout simplement phénoménales. Le film publicitaire réalisé pour la télévision par Jean-Paul Goude pour la marque Perrier est exemplaire à cet égard : on V voit une jeune femme et un lion ramper chacun de leur côté vers le sommet d’une colline où ils se rencontrent et se mettent à « rugir» l’un vers l’autre. Mais, malgré toute sa bonne volonté, il vient un moment où la jeune femme ne peut plus ouvrir la bouche aussi grande que le lion ouvre la gueule. Et c’est là qu’inter- vient l’image de synthèse : elle se substitue si rapidement à l’image réelle que la transition reste imperceptible à l’œil du non-initié, et la jeune femme continue d’ouvrir la bouche au-delà de ce qui est humainement possible !
Dans cette optique, le travail du « synthétiseur » d’image peut aller jusqu’à la création d’expositions, de galeries ou même de musées virtuels. La Galerie virtuelle (1990; Fig. 5) de l’informaticien Stewart Dickson fut l’un des exemples pionniers de ce concept. La plupart des lecteurs avoueront, je crois, qu’à première vue ils regardent la photographie d’une véritable exposition. Dickson commentait cette image de la façon suivante : « La frontière entre Art et Science devient floue, et les mathématiciens eux-mêmes commencent à s’identifier à des artistes. / [Cependant] la tradition mathématique dans l’art est bien antérieure à la période récente de développement de l’infographie. »
De nos jours, avec la diffusion croissante de jeux vidéo sur CD-roms ou consoles, nos enfants sont habitués à se promener en trois dimensions dans des environnements virtuels. L’art sur ordinateur fait toujours, au départ, appel .ni calcul mathématique. Le résultat semble parfois n’avoir rien à envier à celui de l’artiste. Il n’est donc pas étonnant que ce domaine ait séduit des scientifiques, en les transformant en apprentis artistes, ou même des artistes aguerris.
Contraste des couleurs : de Chevreul à Van Gogh
Le contraste des couleurs est une des théories ayant le plus influencé la peinture de la deuxième moitié du XIXesiècle, et surtout le mouvement impressionniste. Je rappelle que, selon le phénomène considéré, on peut choisir entre deux différents groupes de trois couleurs « primaires » : rouge magenta, bleu cyan et jaune, en peinture et en toute synthèse dite « soustractive », où l’on superpose des pigments ; ou vert, rouge (orangé) et bleu (violet), à la télévision par exemple, et en toute synthèse dite « additive », où l’on superpose des faisceaux de lumière émis ensemble. Chaque couleur d’un des groupes est le « complémentaire » d’une couleur de l’autre : vert pour le rouge magenta, rouge pour le bleu cyan, bleu pour le jaune.
La façon dont les impressionnistes se sont servis de la couleur est remarquable . Leur utilisation de larges tâches de couleur apposées les unes près des autres n’était pas destinée, comme on l’a longtemps cru à la suite du critique d’art Edmond Duranty, à recréer du blanc, mais bien au contraire à exploiter la loi de Chevreul du « contraste simultané des couleurs complémentaires » , ainsi que les exposés plus tardifs de l’Américain Ogden Rood .
Chevreul, qui se serait inspiré de Léonard de Vinci avait découvert que deux couleurs placées côte à côte, en larges taches ou aplats, se renforcent si elles sont complémentaires l’une de l’autre. Ainsi , mettons côte à côte un carré de couleur verte et un carré de couleur magenta. Bien que cela ne soit pas évident à première vue, ces couleurs se renforcent sur notre rétine. Une façon de s’en rendre compte est d’isoler une des taches — le magenta, disons — et de la fixer intensément pendant une minute. Si on abaisse ensuite les yeux vers une région blanche, celle- ci semble verte alors qu’aucune couleur n’est présente ! L’effet observé serait la conséquence de la « fatigue optique » . Mais l’explication véritable, selon le physiologiste Michel Imbert, serait beaucoup plus complexe et ferait intervenir les neurones d’une région précise du cerveau.
Quoi qu’il en soit, l’utilisation du contraste des couleurs a été très étendue. L’Autoportrait au chapeau de feutre de Van Gogh est un exemple parmi beaucoup d’autres. L’artiste fait alterner du vert avec du rouge roux sur sa barbe, du rouge orangé avec du cyan sur le fond. Les couleurs ne sont pas parfaitement complémentaires, mais l’effet est là. D’autres exemples fameux sont La Grande Jatte de Seurat (1886, Art Institute of Chicago) et les
Vidéo : L’ordinateur et le Computer Art
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