Arts de la table : Le bleu et blanc
Les services et les assiettes bleu et blanc sont très nombreux, quels que soient leur époque, leur style et leur décor. Pour une raison bien simple : le bleu de cobalt est le pigment le plus docile qui soit, le plus fidèle, celui qui résiste le mieux à la chaleur des fours. Au cours des siècles, à chaque fois qu’une nouvelle technique voit le jour, elle est presque toujours testée d’abord en bleu sur fond blanc. Mais comment se retrouver dans cette immense famille des céramiques bleu et blanc ? Il faut savoir qu’en la matière tout le monde (c’est-à-dire la Chine, la Hollande, l’Angleterre et la France) a copié et influencé tout le monde.
La finesse de Delft
À défaut de découvrir le secret de la fabrication de la porcelaine, les potiers européens s’efforcent d’en imiter l’aspect. Au début du XVIIe siècle, Delft, en Hollande, obtient une faïence stannifère très fine décorée au grand feu de motifs chinois délicats, d’abord soigneusement reproduits puis librement interprétés. Même si la matière obtenue ne possède ni la solidité ni la transparence de la porcelaine chinoise, Delft, qui compte alors une quarantaine de manufactures, devient, entre 1650 et 1750, le premier centre européen de céramique et le champion de ce bleu et blanc qui, lui aussi, sera copié et recopié.
Les lambrequins de Rouen
Indépendamment de cet engouement pour la porcelaine chinoise, les Français créent des décors bleus sur fond blanc qui se perpétuent jusqu’à nos jours. La faïence stannifère connaît la faveur du public en France dès la fin du XVIe siècle grâce, notamment, à Masséot Abaquesne qui, vers 1530, crée à Rouen une manufacture qui commence par interpréter le style italien alors à la mode. Cependant, dès la fin du XVIIe siècle, Rouen invente le décor qu’on appellera au XIXe siècle « au lambrequin» ou «broderie», en camaïeu bleu, inspiré des morceaux d’étoffes festonnées dont les tapissiers décorent à l’époque les tentures et les ciels de lit. Appliqué aux assiettes et aux plats, il s’agit d’un décor symétrique fait de frises de broderies concentriques et débordant largement de l’aile sur le bassin. Ce décor est ensuite repris par la plupart des manufactures françaises, notamment Quimper et Gien.
Le décor « à la Bérain »
Autre décor bleu et blanc célébrissime, le décor «à la Bérain». En 1680, Pierre Clérissy crée une manufacture de faïence à Mous- tiers, un petit village de Haute-Provence. Ses premiers décors, également en camaïeu bleu, s’inspirent des scènes de chasse d’Antonio Tempesta, peintre et graveur florentin du XVIe siècle, puis reprennent les motifs ornementaux de Jean Bérain (1639-1711), dessinateur du Cabinet du Roi et décorateur des fêtes royales, auteur également d’un recueil de décorations qui connaît pendant deux siècles un énorme succès. Le décor dit «à la Berain» est d’une grande finesse : s’inspirant des grotesques italiens, il représente des petits personnages et des animaux mythologiques, des masques, des fleurs, reliés en guirlandes, en entrelacs et en arabesques. Tout comme le décor « au lambrequin », le décor « à la Bérain » est l’un des grands classiques de la céramique française. Il est, tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, repris par la plupart des manufactures, notamment celles du Midi de la France.
La « brindille » de Chantilly
Toujours à la recherche des secrets de la porcelaine, les faïenciers de la fin du XVIIe siècle découvrent une pâte tendre et crémeuse qui permet des décors délicats. Inventée à Rouen, elle se développe d’abord à Saint-Cloud, puis à Chantilly, et à Vincennes qui deviendra Sèvres. Saint- Cloud excelle dans les décors bleu et blanc «au lambrequin» et «à la Bérain». Chantilly invente de nouveaux décors en camaïeu bleu sur fond blanc, tout en discrétion et en délicatesse : ils sont dits « à la brindille », «à l’œillet bleu», «au jet d’eau» et seront repris avec succès, notamment par Arras.
Le « willow pattern » anglais
Ce décor si connu à motif de saule pleureur et influencé par les ornementations chinoises est inventé en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, probablement par Thomas Minton, alors apprenti graveur, qui va fonder par la suite la célèbre manufacture qui portera son nom. Il est fabriqué à échelle industrielle pendant tout le xix’ siècle. Les éléments de base de ce décor sont, bien sûr, les saules, mais aussi des maisons de thé, des bateaux, des barrières, des personnages souvent au nombre de trois, des îles et des couples d’oiseaux symbolisant l’amour. Ce modèle très chéri des Anglais a traversé la Manche pour être reproduit en France, essentiellement dans les manufactures du nord comme Lille, Calais et Douai, et de l’Est. Aujourd’hui encore, il continue sa carrière.
Impressions en bleu
Dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du xx’ siècle, la plupart des faïenceries produisent des services ordinaires, bon marché, dont beaucoup sont en camaïeu bleu, et qui sont vendus dans toute la France par colportage à dos d’âne et de mulet. C’est le cas de deux petites communes de la Drôme, Sainte-Uze et Saint-Vallien, qui produisent une faïence très solide, proche du grès, décorée de fleurettes bleues toutes simples. Parallèlement à ces services ordinaires sont produits en grandes quantités des services plus fins, au décor élégant, destinés aux classes moyennes. Celles-ci peuvent enfin, à l’image de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie, se procurer des services complets comptant parfois des centaines de pièces. Les manufactures de faïence mais aussi de porcelaine vivent en grande partie de ces services durant la seconde moitié du xix’ siècle mais aussi au XX siècle, passant du décor naturaliste de l’Art nouveau aux dessins géométriques de l’Art déco. C’est le cas de Creil, Montereau, Sarreguemines et, surtout, Gien. Fondée en 1823, la faïencerie de Gien se fait bientôt une spécialité de services personnalisées, souvent chiffrés. En même temps, elle imite à la perfection tous les styles anciens et, à partir de 1860, le bleu et blanc est de nouveau à l’honneur avec la reprise des styles de Rouen ou de Moustiers.
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