Arts de la table : Les services unis, à reliefs, ajourés
La céramique unie laisse voir la qualité de la pâte et permet des décors sculptés. Une simplicité non dénuée de sophistication qui trouve ses plus charmantes expressions dans les belles faïences ensoleillées, jaune, vert ou brun du Midi, et le blanc neige à filets d’or des porcelaines de Paris et de Limoges.
La simplicité de l’uni
Bien que les faïenciers aient une préférence pour les décors polychromes, Saint- Clément, Strasbourg et Marseille produisent, dès le milieu du XVIIIe siècle, une faïence unie de couleur blanche, d’une belle qualité, qu’ils soulignent parfois d’un filet d’or tandis que de beaux plats unis mais chantournés, galbés, polylobés sortent des fours des faïenceries de Moustiers et de son voisin Varages, de Hautecombe, au bord du lac du Bourget, et de toutes les poteries du midi de la France.
Dans la première moitié du XIXe siècle, les manufactures de l’est de la France et de la région parisienne élaborent une pâte particulièrement fine qu’ils baptisent « terre de pipe ». Le décor s’avère moins nécessaire sur cette belle pâte de couleur crème ; une couverte transparente suffit. C’est ainsi que nombre d’assiettes rondes ou octogonales, l’aile parfois ornée de perles selon le style de l’époque, sont produites à prix modique. À la fin du siècle, pour l’usage quotidien, beaucoup de faïenceries produisent une vaisselle utilitaire unie et agréablement émaillée, dans toutes les couleurs pastel, tandis que les porcelainiers optent pour la vaisselle blanche, toute simple.
Le crème de Pont-aux-Choux
La faïence fine, inventée en Angleterre, crée une véritable révolution dans l’art de la céramique. En France, les faïenciers s’ingénient à l’imiter. En 1740, la « Manufacture royale des terres de France, à l’imitation de celles d’Angleterre », est fondée à Paris rue Saint-Sébastien, dans le quartier de Charonne. Cette faïencerie est plus connue sous le nom de «Pont-aux-Choux» car elle est située non loin d’un pont traversant une fosse où l’on pratique cette culture maraîchère. Elle produit, seulement pendant une quinzaine d’années, une faïence fine de qualité exceptionnelle : unie et de couleur crème. Ses formes évoquent celles de l’orfèvrerie. Elle ne porte aucun décor de couleur mais seulement de légers reliefs délicatement travaillés en forme de branchages, de guillochages ou de grains de riz. Les boutons des couvercles des soupières sont en forme de fleurs ou de légumes, les anses des verseuses représentent des petites branches, les têtes de gibier servent de poignées aux grands plats.
Les faïences jaunes du Midi
Apt, dans le Vaucluse, est déjà un centre potier avant l’occupation romaine. Mais c’est au XVIIIe siècle et, surtout, au XIXe que la ville devient célèbre pour la finesse et la qualité de sa faïence. Certains pensent que la faïence fine a été inventée à Apt et non en Angleterre. Quoi qu’il en soit, la faïence d’Apt est profondément originale. Par sa couleur, d’abord: Apt reste d’une fidélité absolue au jaune dans toutes ses nuances et, par ailleurs, produit de très belles terres marbrées ou jaspées. L’ornement, comme celui de Pont-au- Choux, ne s’exprime que par le relief : le faïencier se fait sculpteur. Ses principaux décors sont le « grain de riz » mais aussi les végétaux et les fleurs. Castellet, sa voisine, se caractérise par ses fleurettes en relief à 5, 9 ou 12 pétales, ses roseaux et ses volutes. Quant aux formes, elles sont aussi très influencées par l’orfèvrerie. Les assiettes sont chantournées, les plats oblongs, les pièces de forme couvertes de boutons zoo- morphes ou en forme de fruits, d’anses en branchages. En avançant dans le temps, les formes deviennent plus dépouillées. Les assiettes sont octogonales, bordées de perles. Et les grecques, les rosaces, les feuilles d’acanthe remplacent les fleurs au naturel. Fin XIXe, Apt subit la concurrence de Sarreguemines mais aussi de l’Angleterre et de la porcelaine de Limoges. La production s’éteint au début du XXe siècle. D’autres centres comme Uzès, Vallauris, Aubagne, Fréjus produisent aussi de belles poteries jaunes, crème ou blanches, tandis que Dieulefit a une prédilection pour le vert jaune et le noir.
Les ajourés et les tressés
Le petit centre faïencier de Langeais, en Touraine, se fait une spécialité de la faïence ajourée. Il ne façonne pas seulement des corbeilles à anses mobiles décorées de vignes ou de cerises, de fraisiers, de poires, de lierre, de feuilles de chêne et de glands, mais aussi des assiettes à l’aile ajourée ou tressée. Cette technique originale est reprise par Niderviller et Marseille dans la seconde moitié du xixe siècle puis par Malicorne à partir de 1924. Les corbeilles tressées de Moustiers et d’Uzès sont également célèbres, ainsi que celles de Hautecombe.
La porcelaine blanche
Après la découverte du kaolin à Saint- Yrieix, en 1735, deux centres produisent des pièces en porcelaine de grande qualité: Paris et Limoges. Paris se caractérise par la blancheur de sa pâte, son grain fin et sa vitrification parfaite. Beaucoup de services blancs simplement bordés d’un filet d’or sont produits à cette époque. Mais c’est Limoges qui devient le grand centre porcelainier en France. De véritables dynasties, comme celles des Alluaud, des Tharaud, des Baignol, s’y ancrent après la Révolution, approfondissant certaines techniques jusqu’à la perfection. Etienne Baignol produit un blanc pur souligné d’or, Tharaud travaille sur l’opposition entre la porcelaine mate et la porcelaine émaillée, Alluaud fils opte pour de larges bandes or. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la dynastie des Pouyat produit une pâte d’une blancheur absolue et si fine qu’on la baptise «mousseline». Des ajours sont sculptés au stylet dans la pâte pour souligner l’heureuse opposition entre la transparence et l’opacité : ce sont les services «grains de riz». L’ornemaniste se fait sculpteur pour doter la porcelaine immaculée de feuillages, d’épis ou de gerbes de blé, jouant du contraste entre le biscuit et l’émail comme, par exemple, dans le service « Cérès » créé en 1855 par le sculpteur Paul Comolera.
Peu à peu, le blanc se rehausse d’or, avec des filets simples, en « dents de loup » ou en fleurons. Des chiffres entourés de guirlandes de fleurs, de rubans ou de nœuds ornent les services de mariage blancs très appréciés par la bourgeoisie. À jamais, Limoges devient synonyme de blancheur.
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