Arts de la table : Les verres XIXe en cristal
Les orgues du plaisir
Jusqu’au XVIIIe siècle, les verres ne figurent pas sur la table mais reposent dans des verrières disposées sur un buffet. Les convives réclament à boire aux serviteurs, qui leur apportent un verre et le remportent une fois vidé. Le même verre sert ensuite à d’autres personnes. Il s’agit souvent, dans les temps anciens, d’un gobelet en métal ou en céramique. Sous Louis XIV apparaissent des verres dont la taille est adaptée au breuvage auquel ils sont destinés. On les appelle les «orgues du plaisir»; ce sont des verres de luxe, dignes de figurer sur une table ou sur un buffet, mais ils ne sont toujours pas individuels. Ce n’est qu’à partir de 1830 que chacun dispose de trois à six verres du même modèle, ornés du même décor, placés en losange, en carré ou en rectangle devant l’assiette et accompagnés de carafes assorties.
Ces nouvelles habitudes suscitent chez les cristalliers un formidable élan de création qui touche aussi bien les formes que les décors, le verre blanc que le verre de couleur, notamment le cristal doublé. Il existe dorénavant dans un même service des verres à eau, à bière, pour les différents vins rouges, à madère, à liqueur et à champagne (qui peut être une coupe ou une flûte, forme déjà utilisée au XVI siècle en Lorraine), et même un « verre impossible » appelé aussi « cul sec », sans support, qui oblige à vider son contenu d’un seul trait. Tous ces verres sont soufflés à la bouche et décorés à la main.
Le cristal soufflé
Le verre et le cristal sont issus de la fusion de trois types d’éléments: un vitrifiant (silice, sable), un fondant (soude, potasse, minium de plomb), un stabilisant.
Pour façonner un verre, le verrier commence par la paraison. Il « cueille » dans le four, au moyen d’une canne creuse, la quantité de cristal en fusion dont il a besoin pour faire cette partie du verre. Il souffle la matière, qui s’introduit dans un moule de métal ou de bois dont elle prend la forme. Sur la paraison obtenue, le chef de place pose la jambe du verre à partir d’une petite quantité de cristal qu’un autre verrier est venu lui apporter. Après quoi, il l’étire et lui donne sa forme. Puis, de la même manière, un autre verrier lui apporte le cristal nécessaire à la pose du pied. Une fois le verre terminé, il est détaché de la canne puis il est recuit. Après quoi, le verre est minutieusement contrôlé et, au premier petit défaut, il est éliminé. Après cette fabrication à chaud vient le travail « à froid », autrement dit la décoration du verre.
Les verres taillés
La taille est l’une des techniques les plus anciennes du décor sur verre. Elle permet à celui-ci d’absorber la lumière pour mieux la réfracter. Grâce à elle, on a l’impression qu’il étincelle de mille feux.
Le tailleur, au moyen d’une meule diamantée, d’une pierre ponce, de grès ou de carborundum, creuse la surface du verre en reproduisant des dessins fixés sur une planchette. Il fait ainsi apparaître toutes sortes de motifs : côtes plates (le modèle « Harcourt », best-seller de Baccarat, en est l’un des plus beaux exemples) ou creuses, cannelures, pointes de diamant (le modèle «Trianon» de Saint-Louis allie les côtes plates et les pointes de diamant), médaillons, perles, olives, filets, bandes, losanges, festons et même draperies… Après avoir été taillé, le verre passe au polissage, effectué mécaniquement avec un disque de liège ou par immersion dans un bain d’acide : les aspérités sont supprimées et toutes les surfaces adoucies.
Les verres gravés
La gravure à froid dite « au sable » se fait à l’aide d’un jet de sable dirigé sur le verre. Grâce à un pochoir, seules les parties apparentes sont attaquées. La gravure chimique, mise au point vers 1860, s’effectue à l’acide. La gravure à la roue se fait avec une roue de cuivre arrosée d’eau ou à la meule. Les spécialistes gravent toutes sortes de motifs comme des fleurs, des frises, des scènes de genre ou de la mythologie, des dessins géométriques, des guillochages ainsi que des monogrammes ou des armoiries.
Les verres de couleur
La coloration peut être obtenue de deux façons. La première est la coloration dans la masse par l’adjonction d’oxydes métalliques au moment de la cuisson. Cette coloration est due à la présence d’ions métalliques dans le cristal pendant la fusion (l’oxyde de cobalt donne le bleu, l’oxyde de chrome le vert, l’oxyde d’étain le blanc, l’oxyde de nickel et la potasse le pourpre, l’oxyde de cuivre le turquoise et l’oxyde de cuivre et le chlorure d’or le rubis).
La coloration peut aussi être obtenue par l’apport de composés minéraux qui ne se dissolvent pas dans le mélange durant la fusion mais qui, au cours du refroidissement, forment de fines particules. Celles-ci, par diffraction, produisent des effets de coloration très riches: rubis pour l’or, rouge pour le cuivre, jaune pour l’argent, rose pour le sélénium. Ce type de verres de couleur connaît une grande vogue à partir de 1830. Entre 1837 et 1845, Saint-Louis retrouve la technique du filigrane, produit des articles de couleurs inédites comme l’albâtre ou l’aventurine et met au point l’opaline de cristal, que toutes les grandes manufactures produisent à leur tour dans le courant du XIXe siècle.
Les verres en cristal doublé
Le cristal doublé, spécialité des verriers de Bohême, est fait de la superposition à chaud et selon un dessin déterminé de deux couches de cristal, l’une incolore, l’autre colorée. Il existe des verres triplés et même multicouches. Cette technique est utilisée pour les verres à vin du Rhin que les Allemands appellent «roemer». Ce type de verre, qui existe depuis le XIVe siècle, se présente d’abord sous la forme d’un grand gobelet décoré de cabochons. Au XIXe siècle, il est pourvu d’une large jambe creuse et, au début du xxe siècle, il prend de la hauteur. Bleu, rouge et pistache sont les couleurs les plus fréquentes pour le cristal doublé qui est souvent, par ailleurs, taillé, filigrané ou gravé à la roue. Mais il existe aussi dans des tons plus rares comme l’ambre ou le cuivré. Les verres à vins d’Alsace, hauts sur pieds et à petite coupe, sont presque toujours en cristal doublé.
Les verres émaillés
Très présente dans l’art islamique du XIIe au XIVe siècle, dans l’Empire ottoman et à Damas puis chez les Vénitiens de la Renaissance, la peinture à l’émail est appliquée à la main sur le verre qui est ensuite cuit dans un four à environ 450 °C. Parfois/la pièce n’est pas recuite, ce qui rend l’émail plus fragile.
Les verres dorés
Le décor à l’or sur les verres en cristal apparaît aux environs de 1880. Il concerne les services de prestige puisqu’il s’agit d’appliquer au pinceau sur le verre une précieuse couche d’or fin avant de recuire celui-ci aux alentours de 500 °C. Au sortir du four, les parties dorées sont mates. Pour retrouver leur lustre, elles sont brunies avec une pierre d’hématite rouge.
Vidéo : Arts de la table : Les verres XIXe en cristal
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