Arts de la table : Les assiettes en barbotine: assiette barbotine
Ces assiettes éclatantes aux motifs naturalistes issus de l’Art nouveau sont comme un rayon de soleil sur les tables. Leur production n’a duré qu’une cinquantaine d’années, mais cette éclosion végétale, souvent recopiée, jamais égalée, continue à séduire aujourd’hui.
La barbotine
À l’origine, la barbotine est un mélange dilué d’argile et d’eau utilisé pour le coulage d’une pièce de forme ou pour coller entre eux les différents éléments d’une faïence. Mais les Français ont donné ce même nom à ces faïences de couleurs vives, à décors en relief, qui ont été produites entre 1870 et la seconde Guerre mondiale, faïences que les Anglais ont baptisées « majolique».
La barbotine est une pâte de faïence fine qui se prête au moulage et aux reliefs délicats. Les assiettes sont façonnées au tour ou moulées. Après séchage, elles subissent une première cuisson à 1000 °C environ puis reçoivent un émail transparent plombifère auquel sont incorporés des oxydes métalliques de couleur. Après quoi, elles sont recuites à 800 °C.
Les premières barbotines françaises apparaissent vers 1860. Elles sont l’œuvre du Tourangeau Charles-Jean Avisseau fortement inspiré par les œuvres de Bernard Palissy. La présentation de ses productions à l’exposition industrielle de Londres le fait admirer par toute l’Europe. Aussitôt, son atelier de Tours attire d’autres grands céramistes. La mode est lancée, soutenue par la princesse Mathilde, nièce de Napoléon III. La production passe à une grande échelle mais s’éteint peu à peu à partir des années 20.
Une débauche naturaliste
Vases, cache-pots, jardinières, pichets, assiettes à asperges, à coquillages se parent de motifs naturalistes aux couleurs éclatantes. Les assiettes à dessert et les compotiers sont fabriqués en grand nombre vers 1880. Parfois, les assiettes et les plats sont sertis dans une monture en fil de laiton, ce qui leur permet de se transformer en corbeilles à fruits ou à pain.
Au début de la production, la mode est au passéisme et au style néo-Renaissance avec les décors en feuilles d’acanthe, en lambrequins, en rinceaux disposés symétriquement par rapport à un point central. Au japonisme avec ses branches de cerisier en fleurs, ses bambous, ses oiseaux disposés librement sur la pièce succède l’éclosion naturaliste de l’Art nouveau avec ses fleurs stylisées.
Les principaux motifs des barbotines sont les feuillages (fougères, lierre, églantier), les légumes (asperges, artichauts, radis, aubergines, poireaux), les fruits (fraises, poires, raisins, prunes, citrons) et les fleurs (marguerites, tournesols, mais aussi roses, pivoines, bleuets, dahlias, violettes, lilas, pensées…).
De Sarreguemines à Vallauris
Dans l’Est, Sarreguemines est probablement le centre le plus important. Vers 1870, elle compte près de 2 000 ouvriers. Une production de plus en plus importante de barbotine sort des fours, surtout après 1910, chaque modèle se déclinant en plusieurs versions ou coloris.
Fondée vers 1720, Lunéville devient, en 1772, manufacture royale sous la protection de Stanislas Leszczynski. Au XVIII siècle, la faïencerie jouit d’un grand renom. De la faïence stannifère, elle se reconvertit à la faïence fine. Sa production de barbotine est importante et se caractérise par ses couleurs vives. Lunéville ouvre une filiale à Saint-Clément.
Spécialisée au XVIII siècle dans les pièces de forme à petit feu, Saint-Clément produit, au siècle suivant beaucoup d’assiettes populaires à décor de coq. Sa barbotine très Art nouveau se différencie des autres par la subtilité de ses décors et la délicatesse de ses couleurs.
On ignore l’origine exacte, de la faïence de Longwy, si ce n’est qu’une manufacture est fondée en 1801 par la famille Boch. À partir de 1865, Longwy se lance dans la technique des émaux cloisonnés, qui va faire sa célébrité. Elle produit aussi des émaux ombrant et des barbotines d’une facture très soignée, souvent unicolores, inspirées de l’Extrême-Orient.
En Franche-Comté, Clairefontaine, près de Vesoul, fabrique des barbotines monochromes, notamment d’un beau vert, ou bicolores rose et blanc, tandis que Salins produit des assiettes en grand nombre, d’une facture soignée, avec des décors sophistiqués de fleurs sur fonds guillochés.
Créée à la fin du XIXe siècle, la faïencerie de Longchamp est connue pour ses vases et ses assiettes décoratives ornées de fleurs ou de fruits en relief.
Le Nord compte un certain nombre de manufactures où la barbotine occupe une place importante : Saint-Amand-les-Eaux, Onnaing, près de Valenciennes, célèbre pour ses pichets représentant un bestiaire varié ainsi que les caricatures des personnalités de la fin du XIXe siècle, Orchies, Dévers et Five-Lille.
Les barbotines de Choisy, dans la banlieue sud de Paris, et de Gien sont peut-être les plus belles de toutes. La célèbre assiette verte de Choisy, ornée de feuilles de vigne, a été rééditée dans les années 50 pour Primavera.
Enfin, à Vallauris, petit village des Alpes- Maritimes, les ateliers de la famille Massier, Delphin, son frère Clément et son cousin Jérôme, produisent de beaux émaux monochromes d’inspiration Renaissance dans les tons de turquoise, de carmin, de vert antique puis, entre 1860 et 1910, des barbotines Art nouveau d’inspiration naturaliste. Les assiettes à dessert et les compotiers prennent la forme d’une corolle ouverte de marguerite, de pensée ou de tournesol.
Les assiettes de Rubelles
En 1838, le baron de Bourgoing s’allie avec Alexis du Tremblay pour créer un atelier à Rubelles, dans les faubourgs de Melun. En 1842, il invente les « émaux ombrants ». La technique consiste à estamper le motif en creux sur la faïence fine et à le recouvrir d’une pellicule d’émail coloré translucide. Le fond travaillé en relief apparaît sous cette glaçure. En s’y déposant, l’émail s’assombrit dans les creux et les reliefs apparaissent plus clairs.
Des paysages, des scènes de genre, des armoiries, un bestiaire varié et surtout des fruits (poires, cerises, raisins, groseilles, citrons, coings, olives, cassis) sont centrés au fond de l’assiette ronde ou polylobée dont les ailes sont ajourées, tressées ou moulées. Les couleurs semblent avoir une profondeur particulière, notamment le bleu de cobalt, les bruns de fer, le jaune et un très beau vert de chrome. La faïencerie ferme ses portes en 1858. Les émaux de Rubelles sont imités par Sarreguemines, Choisy, Longwy, Clairefontaine, Salins, Gien, Creil et, surtout, Le Mée-sur-Seine.
Vidéo : Arts de la table : Les assiettes en barbotine
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